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m’était aussitôt rendue. Rejetée en arrière, la voluptueuse enfant mettait sous mes yeux deux globes du plus pur ivoire qui jaillissaient d’eux-mêmes hors du corsage, et dont l’un se trouva, je ne sais comment, tout près de mes lèvres ; je n’hésitai pas à saisir et à sucer le bouton rose pendant que Flora poussait de petits soupirs. Tout à coup, elle fit un effort, se redressa et remettant dans leur prison de satin les captifs échappés, me dit d’une voix entrecoupée : « Assez, assez… je n’en puis plus… sortons… »

Et tandis que, revenu à la porte de la tente, j’attendais qu’elle fût remise, je la vis se rajuster à la hâte, arranger ses cheveux avec un peigne de poche, se passer un peu de poudre de riz sur la figure et reprendre enfin un visage plus présentable… en public. Sitôt prête, elle me fit signe d’approcher, et me saisissant la tête à deux mains elle me donna deux gros baisers sur les joues, puis me dit : « Vous serez discret, n’est-ce pas ?… »

— Oh ! mademoiselle, sur mon honneur !…

Alors, toute radieuse, elle prit mon bras et nous sortîmes de la tente pour rentrer au palais, distant d’une centaine de mètres.

— Je ne reconnais plus Dora, me dit-elle au bout de quelques instants. Elle si hautaine, si dédaigneuse ! Que lui avez-vous donc dit pour la changer ainsi ?

— Vous vous en plaignez ?

— Vilain ! vous avez bien vu que non.

— Vous vous aimez bien, toutes deux ?

— Oui ! oui, comme deux sœurs jumelles. Et ce qu’il y a de singulier, c’est que, très dissemblables de physique et de caractère, nous avons les mêmes goûts, les mêmes idées, et que souvent l’une exprime tout haut les pensées de l’autre. Mais nous avons encore une amie…

— Ah ! elle est ici ?

— Non ; elle est en ce moment dans la country et ne

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