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tout le corps : je tournai la tête et lui rendis son baiser sur la bouche.

Je crus qu’il allait s’évanouir : son bras faiblit et sa tête s’inclina sur mon épaule. Mais il se remit aussitôt et tendit ses lèvres avides sur la coupe qui venait de lui verser une telle ivresse.

Je reconnus alors l’exactitude de ce que m’avait dit Thérèse : cet aimable garçon, si bien fait pour plaire aux femmes, était pur de tout contact antérieur : il avait gardé cette fraîcheur d’expression qui est l’apanage des cœurs neufs et qui s’émousse, hélas ! si vite pour faire place à l’allure cavalière que prennent les jeunes hommes dès le lendemain de leurs débuts amoureux.

Il est évident, pour moi, qu’Adrien ignorait encore les douces pratiques de l’art d’aimer : tout était nouveau pour lui dans le pays du Tendre, et il me fallut ouvrir à la première page le bréviaire des amoureux.

Quelle tâche délicieuse pour une femme experte que d’enseigner le baiser à de jeunes lèvres si ardentes et si dociles !… Vraiment, j’envie le sort des filles de mauvaise vie à qui revient le plus souvent l’aubaine exquise d’initier les adolescents aux plaisirs de l’amour. Connaissent-elles leur bonheur ?… Elles effeuillent sans doute d’une main brutale la fleur délicate des premières caresses ; l’ingénuité de l’amoureux leur semble ridicule, et elles s’empressent de le débarrasser de ce fardeau inutile.

La première expérience que les hommes font de leur virilité devrait laisser au fond de leur cœur un parfum inoubliable : presque toujours, au contraire, ils ne gardent de cette initiation que le souvenir d’une souillure.

Je pensais à tout cela, cher Léo, tandis que je serrais tendrement dans mes bras ce grand garçon tout affolé de désirs. Ses yeux fixés sur les miens imploraient de nouvelles caresses ; ses narines se dilataient et battaient par moment,

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