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XI

Calcutta, 11 février 18…

Décidément, ma chérie. Mademoiselle Thérèse est une aimable personne, et je commence à l’apprécier. Je dois ajouter qu’il m’est difficile, étant si loin, de juger si tu as bien fait en te laissant aller avec tant d’abandon au penchant qui t’a entraînée vers elle. Mais je ne puis t’en blâmer : je sais trop bien que, malgré tous les raisonnements du monde on n’est parfois pas maître de résister, et qu’un simple caprice vous emporte souvent au-delà de toute prévision.

Ainsi, le jour où, dans le jardin du lieutenant-gouverneur, j’ai mis un baiser sur l’épaule de Dora, je risquais de me faire jeter dehors comme un malappris. Souvent je me demande ce qui m’a pris vraiment : j’ai ressenti tout simplement un désir immodéré de mettre mes lèvres sur cette chair jeune et appétissante, c’était bien imprudent, et l’aventure aurait pu avoir des suites désagréables…

Sais-tu que notre petite sœur est une gamine délurée ? L’eau m’en vient à la bouche… Il faudra la retirer de cette singulière pension, mais je pense qu’il ne faudra pas la manier à la légère, à moins de trouver pour elle un mari… comme moi, et je crains qu’il n’y en ait pas beaucoup !… Ce que tu m’as raconté de ses débuts ne m’a pas surpris outre mesure. Te souviens-tu que la veille de mon départ, elle est venu nous dire bonsoir dans notre chambre. Elle s’est assise un instant sur mes genoux pour m’embrasser ; tout en batifolant avec elle, je la complimentai sur ses petits nichons que je sentais sous sa camisole de nuit. Je voulus alors qu’elle me les montrât pour les comparer aux tiens, mais tu t’es récriée en disant que cela n’était pas convenable, et tu l’as renvoyée assez brusquement.

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