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— Aussitôt après votre départ, je sors pour aller chez la mercière. À Saint-Philippe, je me trouve arrêtée par un embarras de voitures ; je jette machinalement les yeux sur l’une d’elles, une élégante victoria dans laquelle une jeune dame se prélassait ; au même moment cette femme tourne la tête, et nous nous écrions en même temps : « Oh ! quel heureux hasard !… » C’était mon ancienne maîtresse, celle dont je vous ai parlé, qui se fait appeler « baronne de Saint-Léon » mais qui n’est qu’une vulgaire cocotte pour femmes, et qui, actuellement, est très richement entretenue par la baronne N… C’est elle, je vous l’ai dit, qui m’a donné le certificat si élogieux sur la foi duquel vous m’avez engagée… Je vous ai dit également qu’elle s’était séparée de moi contre son gré, et seulement parce que la baronne X…, jalouse de moi, l’avait exigé.

— Vous n’êtes pas pressée, Thérèse, me dit-elle, montez donc dans ma voiture, nous ferons une petite promenade.

Avant que j’aie eu le temps de répondre, elle m’avait tirée dans sa voiture et fait asseoir auprès d’elle.

— Tu n’es plus ma soubrette, maintenant, fit-elle, tu es une amie, pour moi ; et tu es même très chic, sais-tu ?… Tu deviens très jolie… Es-tu contente de ta position ?…

— Très contente ; je ne suis plus femme de chambre, je suis dame de compagnie.

— Ta maîtresse est jeune ?…

— Vingt-trois ans, je crois.

— Jolie ?…

— Mais oui, fort jolie, et surtout très piquante.

Cet interrogatoire, pourtant très amical, m’impatientait.

— As-tu un amant ?…

— Non, Madame.

— Ah ! oui, c’est vrai, j’oubliais que tu es comme moi… tu aimes mieux les femmes… Tu as bien raison, va !… Tiens, on dirait qu’il va pleuvoir. Il faut rentrer.

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