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hommes ne lui manqueront pas ; et le prince qui manque de soldats, quoique ses États soient très-peuplés, ne doit se plaindre que de sa faiblesse et de son imprudence, et non de la lâcheté des hommes.


CHAPITRE XXXIX.


Un capitaine doit connaître le pays où il fait la guerre.


Parmi les connaissances nécessaires à un chef d’armée, une des plus importantes est celle des sites et des pays, parce que, sans cette connaissance générale et particulière, on ne peut former aucune bonne entreprise militaire. Et si toutes les sciences demandent une longue pratique pour les posséder parfaitement, celle dont il s’agit en exige une bien plus grande encore. Cette pratique, ou plutôt cette connaissance particulière des lieux, s’acquiert par la chasse plus que par tout autre exercice. Aussi les historiens de l’antiquité rapportent que ces héros, qui dans leur temps gouvernèrent le monde, passaient leur vie dans les forêts et à la chasse, parce que ce délassement, outre la connaissance particulière des lieux, donne une infinité d’autres notions indispensables à la guerre.

Xénophon, dans la Cyropédie, rapporte que Cyrus, se mettant en marche pour aller combattre le roi d’Arménie, rappela à ses capitaines, après leur avoir donné à chacun ses instructions, que ce qu’ils allaient entreprendre n’était autre chose qu’une de ces chasses qu’ils avaient si souvent faites ensemble. Il rappela à ceux qu’il envoyait en embuscade sur les montagnes qu’ils étaient semblables aux chasseurs qui vont tendre des rets dans les lieux escarpés ; et à ceux qui devaient parcourir la plaine, qu’ils ressemblaient aux chasseurs qui