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qui audiendus duntaxat magnificus adhortator sit, verbis tantum ferox, operum militarium expers ; an qui, et ipse tela tractare, procedere ante signa, versari media in mole pugnœ sciat. Facta mea, non dicta, vos, milites, sequi volo, nec disciplinam modo, sed exemplum etiam à me petere, qui hac dextra mihi tres consulatus summamque laudem peperi.

Si l’on pèse bien ces paroles, elles apprendront quelles sont les qualités que doit posséder quiconque voudra bien remplir le grade de général : celui qui ne les aura pas trouvera avec le temps que cette dignité, à laquelle la fortune ou l’ambition l’aura fait monter, lui enlèvera sa réputation, loin de lui en donner ; car ce ne sont pas les titres qui honorent les hommes, mais les hommes qui honorent les titres.

On doit encore tirer une autre conséquence de ce que j’ai dit au commencement de ce chapitre : c’est que si les capitaines les plus célèbres ont usé de moyens extraordinaires pour affermir le courage d’une armée de vieux soldats prêts à combattre avec des ennemis inaccoutumés, à plus forte raison doit-on les employer lorsque l’on commande une armée nouvelle, qui n’a jamais vu l’ennemi en face. Si un ennemi inusité peut inspirer la terreur à de vieux soldats, combien n’en doit pas causer un ennemi quelconque à une armée novice !

Cependant on a vu souvent toutes ces difficultés prudemment surmontées par des capitaines expérimentés, tels que le Romain Gracchus, et le Thébain Épaminondas, dont j’ai déjà parlé, qui, avec des troupes novices, parvinrent à vaincre des vétérans habitués depuis longtemps aux combats. Les moyens qu’ils employèrent consistaient à les exercer pendant plusieurs mois dans des combats simulés, à les plier à l’obéissance et à la discipline, et à les employer ensuite avec confiance à de véritables combats. Un homme de guerre ne doit donc jamais désespérer de créer une bonne armée, lorsque les