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entreprises des hommes. Aussi n’est-ce qu’avec peine que le bien s’obtient, à moins que la fortune ne vous favorise au point que sa puissance surmonte cet inconvénient ordinaire et naturel.

C’est ce que m’a rappelé le récit que fait Tite-Live du combat de Manlius Torquatus et du Gaulois, et qu’il termine par ces mots : Tanti ea dimicatio ad universi belli eventum momenti fuit, ut Gallorum exercitus, relictis trepide castris, in Tiburtem agrum, mox in Campaniam transierit.

Je considère, d’un côté, qu’un capitaine habile doit éviter par-dessus tout de rien faire qui, par son peu d’importance, produise un mauvais effet dans l’armée : commencer une bataille où l’on n’emploie pas toutes ses forces, mais où l’on expose toute sa fortune, est une conduite des plus téméraires, comme je l’ai dit précédemment, en blâmant la défense des défilés.

D’un autre côté, je pense qu’un général prudent, lorsqu’il a en tête un ennemi nouveau, qui jouit d’une grande réputation de courage, est obligé, avant d’en venir à une bataille générale, d’essayer ses soldats contre les ennemis, par de légères escarmouches, afin qu’ayant commencé à les connaître par cette épreuve, ils perdent cette terreur que leur avaient inspirée la renommée et la réputation de courage de leurs adversaires. C’est là une chose extrêmement importante pour un général, parce qu’il y a pour ainsi dire une nécessité d’en agir ainsi, sans quoi les troupes croiraient marcher à une perte certaine, si, par de légers engagements, on n’avait chassé d’abord de leur esprit la crainte que la réputation de l’ennemi aurait pu y répandre.

Valerius Corvinus avait été envoyé par les Romains avec une armée contre les Samnites, ennemis nouveaux et contre lesquels ils n’avaient point jusqu’alors mesuré leurs armes. À cette occasion Tite-Live dit que Valerius