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et si elles viennent à en donner quelque marque, c’est par emportement, par impétuosité, et non par un véritable courage.

Mais là où le courage lui-même est réglé, le soldat développe son ardeur selon les temps et les circonstances ; aucun obstacle ne peut l’avilir ni lui faire manquer de cœur ; le bon ordre, au contraire, ranime sans cesse sa vaillance et cette ardeur qu’alimente encore l’espoir de la victoire, espoir qui ne l’abandonne jamais tant que le bon ordre subsiste.

Le contraire arrive dans ces armées où il n’y a que de la fureur et point d’ordre, comme étaient celles des Gaulois, dont l’impétuosité se démentait souvent pendant la durée du combat. Lorsque la victoire résistait à leur premier choc, comme cette impétuosité, sur laquelle ils fondaient toute leur espérance, n’était pas soutenue par un courage bien réglé, et qu’ils ne voyaient au delà aucune autre ressource sur laquelle ils pussent compter, ils devaient être vaincus lorsque cette ardeur venait à se refroidir.

Les Romains, au contraire, rassurés par la bonté de leurs dispositions, redoutant peu les périls, ne se défiant point de la victoire, mais fermes et inébranlables à leur rang, combattaient à la fin de la bataille avec le même courage qu’au commencement, et, sans cesse animés par le bruit des armes, ne faisaient que s’enflammer de plus en plus.

La troisième sorte d’armée est celle où il n’existe ni valeur naturelle, ni discipline accidentelle, comme sont de nos jours les armées d’Italie : elles sont même entièrement inutiles, et ne sauraient ce que c’est que la victoire, si le hasard ne les faisait tomber sur une armée que quelque événement imprévu met en fuite ; et, sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter des exemples particuliers, on voit chaque jour les preuves qu’elles donnent de leur lâcheté.