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gouverne, il est impossible d’obtenir à la fois l’amitié des deux factions. Il est dans le caractère de l’homme de prendre un parti quelconque dans tout ce qui offre diversité d’opinion, et de le préférer à l’autre : d’où il résulte qu’une portion des sujets étant mécontente, vous perdez l’État à la première guerre qui vient à s’allumer ; parce qu’il est impossible de conserver un État qui a des ennemis au dedans et au dehors.

Si c’est une république qui gouverne, il n’est pas de meilleur moyen de corrompre ses propres citoyens, et d’introduire les dissensions parmi eux, que d’avoir à gouverner une cité partagée entre les factions, et dans laquelle chaque parti, s’efforçant d’obtenir la faveur, emploie toutes les ressources de la corruption pour acheter des amis ; de sorte qu’il en résulte deux immenses inconvénients : le premier, c’est de ne pouvoir jamais se faire un ami du peuple, parce qu’il est impossible de le bien gouverner lorsque le gouvernement varie à chaque instant, suivant que l’une ou l’autre faction triomphe ; le dernier, c’est que cette attention à entretenir les divisions divise nécessairement aussi votre république. C’est ce qu’atteste le Biondo, lorsqu’en parlant des Florentins et des habitants de Pistoja, il s’exprime en ces termes : Tandis que les Florentins s’efforçaient de rétablir la concorde dans Pistoja, ils se divisaient eux-mêmes. On peut donc juger par cet exemple des suites funestes qu’entrainent les divisions.

Lorsqu’en 1501 Florence perdit Arezzo et toute la Valdi-Tevere et la Val-di-Chiana, qu’occupaient les Vitelli et le duc de Valentinois, un seigneur de Laon, envoyé par le roi de France, arriva pour faire restituer aux Florentins toutes les places qu’ils avaient perdues. Lors de la visite qu’il fit des forteresses, il trouva dans chacune d’elles des habitants qui lui dirent qu’ils étaient du parti de Marzocco. Il blâma vivement ces divisions, et ajouta que si en France quelques sujets osaient avancer qu’ils sont