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CHAPITRE XXVII.


Quelle est la conduite qu’on doit suivre pour rétablir l’union dans une ville où règne la discorde, et combien est fausse l’opinion que, pour se maintenir dans une ville, il faut y entretenir la désunion.


La manière dont les consuls romains réconcilièrent les habitants d’Ardée indique la conduite qu’on doit suivre pour rétablir le calme dans une ville où règne la discorde, et qui n’est autre que d’exterminer les chefs de la révolte. Il n’y a pas d’autre remède. On ne peut employer en effet qu’un des trois moyens suivants : ou se défaire sans pitié des coupables, comme firent les Romains, ou les bannir de la cité, ou les contraindre à faire la paix entre eux, en contractant l’obligation de ne plus s’outrager. De ces trois moyens, le dernier est le plus dangereux, le plus incertain et le plus inutile. Il est impossible, lorsque le sang a coulé, ou que des outrages de cette espèce ont été commis, qu’une paix imposée par la force puisse durer longtemps, surtout lorsque chaque jour des ennemis se revoient en face. Il est difficile de les empêcher de s’injurier de nouveau, lorsqu’à chaque parole un nouveau sujet de querelle peut s’élever entre eux.

On ne peut citer sur cette matière un exemple plus frappant que celui de la ville de Pistoja. Cette ville était partagée, il y a quinze ans, comme aujourd’hui, entre les deux factions des Panciatichi et des Cancellieri ; mais à cette époque elle avait en mains les armes qu’elle a déposées maintenant. Après de longues querelles, on en vint à s’égorger, à détruire les maisons, à piller les propriétés, et à toutes les extrémités dont on use envers des ennemis. Les Florentins, qui avaient entrepris d’apaiser ces troubles, avaient toujours usé du troisième moyen,