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de lui obéir. Mais, d’un autre côté, ils n’étaient pas moins attentifs à en dégager leurs adversaires. Aussi les voyait-on quelquefois ouvrir à l’ennemi les chemins mêmes qu’ils auraient pu lui fermer, et fermer à leurs propres soldats ceux qu’ils pouvaient laisser ouverts. Ainsi donc, celui qui veut qu’une ville se défende avec obstination, ou qu’une armée combatte en pleine campagne avec la dernière vigueur, doit, sur toutes choses, faire ses efforts pour que le cœur des soldats qui ont à combattre soit pénétré de cette nécessité.

D’où il résulte qu’un capitaine habile, qui serait chargé de se rendre maître d’une ville, doit mesurer la facilité ou la difficulté de l’emporter sur la nécessité plus ou moins grande qu’a l’ennemi de se défendre. S’il connaît qu’elle ait de puissants motifs de résister, il doit s’attendre que son attaque éprouvera de grands obstacles : dans le cas contraire, il ne peut rencontrer une vive résistance. Aussi voit-on que les villes, après une révolte, sont plus difficiles à emporter que celles qu’on assiége pour la première fois ; car, n’ayant au commencement aucun châtiment à redouter, elles se soumettent sans peine ; mais quand elles se sont révoltées, comme il leur semble qu’elles se sont rendues coupables, et que, par conséquent, elles redoutent le châtiment, il est bien plus difficile de les emporter.

Cette obstination peut avoir encore sa source dans les haines naturelles que des monarchies ou des républiques voisines nourrissent les unes contre les autres, et qui naissent de l’ambition de dominer ou de la jalousie qu’inspirent leurs États ; ce qui a lieu surtout parmi les républiques, et ce que prouve la Toscane. Ces jalousies et ces haines qui règnent entre elles mettront toujours de grandes difficultés à ce qu’elles se subjuguent mutuellement. Cependant, si l’on examine attentivement quels sont les voisins de la ville de Florence et ceux qui environnent Venise, on ne s’étonnera pas, comme beaucoup de per-