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la tête de ses armées ; il avait pour préfet Macrin, homme plus habile dans les affaires civiles que guerrier. Comme il arrive que les méchants princes tremblent sans cesse qu’on ne trame contre eux ce qu’ils s’imaginent mériter, l’empereur écrivit à Maternianus, son ami, qui se trouvait à Rome, de consulter les astrologues, de leur demander si personne n’aspirait à l’empire et de lui faire part de leur réponse. Maternianus lui répondit que c’était Macrin qui y aspirait. Cette lettre tomba entre les mains de Macrin avant d’arriver à l’empereur : elle lui fit connaître la nécessité où il se trouvait, ou de le frapper avant qu’une nouvelle lettre arrivât de Rome, ou de mourir lui-même. Il chargea Martial, centurion qui lui était entièrement dévoué, et dont Caracalla avait fait mourir le frère peu de jours auparavant, d’assassiner l’empereur ; ce qu’il exécuta heureusement.

On voit donc que cette nécessité qui ne laisse pas le moment de réfléchir obtient le même effet que la conduite de l’Épirote Nélémate.

On y voit encore ce que j’ai dit au commencement de ce chapitre, que les menaces font plus de tort aux princes, et les environnent de complots plus dangereux, que les offenses mêmes. Ce sont en effet les menaces qu’un roi doit épargner à ceux qui l’entourent : il lui est nécessaire, ou de flatter les hommes, ou de s’assurer d’eux, et de ne jamais les réduire à la nécessité de croire qu’il faut qu’ils soient tués ou qu’ils tuent.

Quant aux dangers qu’on court au moment de l’exécution, ils naissent, ou d’un changement dans les dispositions, ou d’un moment de faiblesse dans l’exécuteur, ou d’une erreur qu’il commet par imprudence, ou de n’avoir pas mis la dernière main à l’œuvre, en laissant subsister une partie de ceux dont la mort était résolue.

Rien ne jette le trouble dans l’esprit des hommes,