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à suivre pour parvenir à ce but, ils n’ont d’autre fatigue à endurer que celle de prendre pour miroir de leur conduite la vie des grands hommes, tels que Timoléon de Corinthe, Aratus de Sycione, et autres semblables : ils trouveront dans leur histoire qu’il y a autant de bonheur et de sécurité pour celui qui commande que pour celui qui obéit ; ce qui devrait faire naître dans leur cœur le désir de les imiter ; imitation qui, je l’ai déjà dit, ne leur serait nullement difficile, attendu que les hommes, lorsqu’ils sont bien gouvernés, ne veulent ni ne poursuivent une plus grande liberté. C’est ce qui arriva aux peuples gouvernés par les deux grands hommes que je viens de citer, qui, tant qu’ils vécurent, furent contraints de commander à leurs concitoyens, quoique plusieurs fois ils eussent tenté de retourner à la vie privée.

Comme, dans ce chapitre et les deux précédents, nous avons parlé des soulèvements excités contre des princes, ainsi que de la conjuration tramée contre la patrie par les fils de Brutus, et des complots formés contre Tarquin l’Ancien et Servius Tullius, je crois à propos de traiter à fond cette matière dans le chapitre suivant, car elle est digne de toute l’attention des princes et des sujets.


CHAPITRE VI.


Des conjurations.


Je n’ai pas cru devoir m’abstenir de parler des conjurations, tant elles présentent de dangers pour les princes et pour les particuliers : elles ont privé plus de princes de la couronne et de la vie qu’une guerre ouverte, parce qu’il est peu d’hommes qui puissent déclarer la guerre à un prince, tandis qu’il est au pouvoir de chacun de conspirer contre lui,