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précédemment, ou de la gêne qu’imposent à une cité des incursions, des déprédations continuelles, et une foule d’autres maux. De tous les moyens que nous avons indiqués, c’est de ce dernier que les Romains se servirent le plus fréquemment ; et ils employèrent plus de quatre cent cinquante années à fatiguer leurs voisins de défaites et de pillages, et à obtenir par les traités une réputation au-dessus de la leur, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’exposer. Et quoiqu’ils eussent tenté tous les moyens, c’est particulièrement sur ces derniers qu’ils s’appuyèrent sans cesse ; car ils échouèrent dans les autres ou n’y trouvèrent que des dangers. En effet, un long siége a contre lui la lenteur et la dépense ; un assaut est périlleux ; et les conjurations n’offrent qu’incertitude. Ils s’aperçurent que la défaite d’une armée ennemie les rendait maîtres en un jour de tout un empire, tandis qu’ils consumaient plusieurs années à former le siége d’une ville obstinée à se défendre.



CHAPITRE XXXIII.


Les Romains laissaient les généraux de leurs armées entièrement libres dans leurs opérations.


Lorsque l’on veut lire avec fruit l’histoire de Tite-Live, il faut étudier avec attention toutes les différentes manières de se conduire du peuple et du sénat romains. Parmi celles qui méritent une considération particulière, il faut voir quelle autorité ils confiaient à leurs consuls, à leurs dictateurs et aux autres chefs de l’armée, lorsqu’ils les envoyaient hors du territoire de la république. Dans ces circonstances, on leur accordait le pouvoir le plus étendu : le sénat ne se réservait que le droit d’en-