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tours, les assiégés s’efforçaient de les renverser en les incendiant. Quant aux levées de terre, ils creusaient de leur côté, sous la muraille à laquelle elles s’appuyaient, et reportaient dans l’intérieur les terres qu’amoncelaient les assiégeants ; de sorte que ces terres, qu’on apportait de l’extérieur, étant retirées par ceux du dedans, la levée ne pouvait atteindre la hauteur des remparts.

Ces moyens d’emporter une ville de vive force ne peuvent se prolonger longtemps ; et il faut alors, ou lever son camp et chercher d’autres voies de terminer la guerre, en agissant comme Scipion, qui, à son arrivée en Afrique, ayant attaqué la ville d’Utique sans pouvoir réussir à l’emporter, leva le siége, et chercha à battre l’armée des Carthaginois ; ou il faut tenter un siége en forme, comme le firent les Romains à l’égard de Véïes, de Capoue, de Carthage, de Jérusalem et d’autres villes semblables, dont ils se rendirent maîtres par un siége régulier.

Quant aux villes dont la prise est le résultat d’un stratagème mêlé à la force, comme, par exemple, Palépolis, où les Romains entrèrent par le moyen des intelligences qu’ils avaient dans la place, quoique Rome et d’autres peuples aient souvent essayé ce genre d’attaque, il est rare que le succès ait couronné leurs tentatives : la raison en est que le moindre obstacle renverse tous vos desseins ; et ces obstacles naissent à chaque pas. En effet, ou le complot est découvert avant d’en venir au dénoûment, et il n’est jamais difficile de le découvrir, tant par la trahison de ceux qui en ont connaissance, que par la difficulté d’en ourdir la trame ; car il faut communiquer avec l’ennemi, et avoir des conférences avec ceux qu’il n’est permis d’entretenir que sous des prétextes plausibles.

Mais quand même la conjuration ne serait pas découverte tandis qu’on la trame, il survient mille obstacles