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point on se trompe en estimant la cavalerie plus que l’infanterie.

Les Romains assiégeaient Sora ; un gros de cavaliers étant sortis de la ville pour attaquer le camp, le maître de la cavalerie romaine sortit à leur rencontre avec ses troupes, et, les ayant attaqués de front, le sort voulut que, du premier choc, le commandant fût tué de chaque côté : les troupes, restées sans chefs, n’en continuèrent pas moins le combat ; mais les Romains, pour vaincre leurs adversaires, mirent pied à terre, ce qui obligea ceux d’entre les ennemis qui voulurent se défendre à prendre le même parti, et toutefois les Romains demeurèrent vainqueurs.

Il est impossible de trouver un exemple qui démontre plus victorieusement que la force des fantassins l’emporte sur celle des cavaliers : car, si dans d’autres affaires les consuls faisaient mettre pied à terre à la cavalerie, c’était pour venir au secours de l’infanterie qui souffrait et qui avait besoin de renfort ; au lieu que dans cette circonstance ils descendirent, non pour secourir l’infanterie ou pour attaquer des fantassins ennemis, mais, combattant à cheval contre des adversaires à cheval, ils jugèrent que ne pouvant les vaincre de cette manière, ils parviendraient plus facilement à en triompher en mettant pied à terre.

Je veux conclure de cet exemple qu’une infanterie bien organisée ne peut être vaincue, sans de grandes difficultés, que par une autre infanterie.

Crassus et Marc-Antoine s’avancèrent de plusieurs journées dans l’intérieur de l’empire des Parthes avec un petit nombre de cavaliers et une infanterie assez considérable ; ils avaient devant eux une quantité innombrable de cavaliers parthes : Crassus y périt avec une partie de son armée ; Marc-Antoine en sortit par son courage. Néanmoins, au milieu de ces désastres de Rome, on vit encore combien l’infanterie l’emportait sur la cavalerie.