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guerre que l’on suit, à la lâcheté des armées, qui, en masse, dépourvues de courage, ne peuvent en déployer dans chacun des individus qui les composent.

Quant à la troisième assertion, que désormais on n’en viendra plus aux mains, et que la guerre ne se fera qu’avec de l’artillerie, je soutiens que cette opinion est absolument erronée, et que mon sentiment sera partagé par tous ceux qui voudront faire revivre dans leurs armées le courage de nos ancêtres. Quiconque, en effet, veut former de bons soldats, doit les accoutumer, par des exercices réels ou simulés, à s’approcher de l’ennemi, à l’attaquer l’épée à la main, à le saisir par le milieu du corps ; et l’on doit compter bien plus sur l’infanterie que sur la cavalerie. J’en dirai plus loin les raisons. Lorsqu’on s’appuie sur les fantassins et sur les moyens que nous avons indiqués, l’artillerie devient tout à fait inutile. En effet, l’infanterie, lorsqu’elle s’avance vers l’ennemi, a bien plus de facilité pour éviter l’atteinte de l’artillerie, qu’elle n’en avait autrefois pour se mettre à l’abri du choc des éléphants et des chars armés de faux, que l’infanterie romaine trouvait à chaque pas devant elle, et dont elle sut cependant toujours se défendre ; et elle aurait trouvé d’autant plus facilement les moyens de se préserver de nos modernes inventions, que le temps pendant lequel l’artillerie peut causer du ravage est bien moins long que celui durant lequel les chars et les éléphants pouvaient nuire. Ces derniers se précipitaient au milieu de la mêlée, portaient le désordre dans tous les rangs. Le canon ne s’emploie qu’avant le combat, et l’infanterie peut aisément se dérober à ses coups, soit en s’avançant protégée par les dispositions du terrain, soit en se baissant lorsque le canon tire ; l’expérience même a fait voir que ce dernier parti est inutile, surtout lorsqu’on se défend de la grosse artillerie ; car il est difficile de la pointer avec justesse, et ses coups, dirigés trop haut, passent au-dessus de votre tête, ou, tirés trop