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la première, c’est que vous ne pouvez y conduire des pièces d’un aussi fort calibre que celles dont peuvent se servir les assiégeants, attendu qu’on ne peut manœuvrer facilement de grandes machines dans un petit espace ; le seconde, c’est que, quand même vous pourriez les y conduire, il vous serait impossible de donner à vos remparts, pour préserver votre artillerie, cette solidité et cette sûreté que les assiégeants, maîtres du terrain, peuvent donner à leurs batteries, et que facilite encore l’étendue de l’espace dont ils disposent. Il est donc impossible à des assiégés de maintenir leurs batteries sur des remparts élevés lorsque celles des assiégeants sont fortes et nombreuses ; et, s’ils les placent dans des lieux enfoncés, elles deviennent, comme je l’ai dit, en grande partie inutiles.

Ainsi la défense d’une place se réduit à n’employer que la force des bras, comme on le faisait autrefois, et à se servir d’artillerie du moindre calibre : artillerie dont les inconvénients peuvent bien contre-balancer l’utilité qu’elle offre pour la défense, puisque, pour pouvoir s’en servir, il faut abaisser les remparts des villes et les enterrer presque dans les fossés ; de sorte que si l’on en vient à combattre corps à corps, soit parce que les murs sont renversés, soit parce que les fossés sont comblés, les assiégés ont bien plus de désavantage qu’ils n’en avaient auparavant. Ainsi, comme je l’ai avancé ci-dessus, ces machines rendent bien plus de services à ceux qui assiègent une ville qu’à ceux qui sont assiégés.

Quant au troisième cas, celui d’être renfermé dans un camp retranché pour ne livrer bataille qu’à votre commodité ou à votre avantage, je soutiens que même alors vous n’avez pas plus de moyens que n’en avaient les anciens d’éviter le combat, et que souvent encore l’artillerie vous met dans une position plus fâcheuse. En effet, si l’ennemi vous surprend à l’improviste ; que le pays lui donne un peu d’avantage, comme cela peut fa-