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ou parce que les désordres de ses États exigent l’emploi de toutes ses forces, ou par tout autre motif, ont plus d’éclat que d’utilité réelle pour ceux qui comptent sur son appui.

Florence, de nos jours, nous en offre la preuve. Attaqués en 1497 par le pape et par le roi de Naples, les Florentins s’appuyèrent de l’amitié du roi de France ; mais ils en retirèrent plutôt l’éclat d’un grand nom qu’un secours véritable (magis nomen quam praesidium). C’est encore ce qui arriverait à tout prince qui, se reposant sur l’alliance de l’empereur Maximilien, tenterait aujourd’hui quelque entreprise : car c’est là une de ces amitiés qui apportent, à ceux qui s’y confient, magis nomen quam praesidium ; semblable à l’appui que les Sidicins, comme le dit le texte de Tite-Live, tirèrent de l’alliance des Campaniens.

Ces derniers peuples se trompèrent donc lorsqu’ils se crurent plus forts qu’ils n’étaient en effet. Et c’est ainsi que l’imprudence des hommes les excite quelquefois à prendre la défense des autres, tandis qu’ils ne savent ni ne peuvent se préserver eux-mêmes du danger. Telle fut aussi l’erreur des Tarentins, lorsqu’ils envoyèrent des ambassadeurs au consul romain, dont l’armée était près d’en venir aux mains avec les Samnites, pour lui signifier qu’ils entendaient que les deux peuples rivaux fissent la paix, sinon qu’ils se déclareraient contre celui d’entre eux qui commencerait les hostilités. Le consul ne put s’empêcher de rire à cette proposition ; et, en présence des envoyés mêmes, il fit donner le signal du combat, et ordonna à l’armée d’attaquer l’ennemi, montrant aux Tarentins, par sa conduite, et non par ses paroles, de quelle réponse ils étaient dignes.

J’ai parlé dans ce chapitre du parti que prennent quelquefois les princes d’embrasser la défense d’un allié ; je parlerai dans le suivant des moyens qu’ils emploient pour se défendre eux-mêmes.