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protection ; et cette conduite, en affaiblissant la réputation de mon rival, aura pour effet de faciliter les desseins que j’ai conçus.

La résolution que prirent les Campaniens de se donner aux Romains, afin de les exciter à la guerre, ainsi que je l’ai dit ci-dessus, n’est pas la seule chose qu’il faille remarquer ici : elle nous fait voir que le seul remède qui reste à une cité que ses propres forces ne peuvent défendre, et qui veut se soustraire à tout prix au joug de l’ennemi qui la menace, c’est de se donner librement et sans réserve à celui qu’elle a choisi pour défenseur, ainsi qu’en agirent les Campaniens à l’égard des Romains, et les Florentins envers Robert, roi de Naples, qui, ne voulant pas les secourir comme alliés, les défendit bientôt comme sujets contre les forces de Castruccio de Lucques, qui les tenait courbés sous le poids de sa domination.



CHAPITRE X.


Malgré l’opinion générale, l’argent n’est pas le nerf de la guerre.


Si l’on commence la guerre quand on veut, on ne la termine pas de même : en conséquence, un prince, avant de se jeter dans les hasards d’une entreprise, doit longtemps mesurer ses forces, et se gouverner d’après cet examen. Mais sa sagesse doit être telle, qu’il ne s’aveugle pas sur ses ressources ; et il se trompera toutes les fois qu’il comptera, ou sur ses trésors ou sur la nature du pays, ou sur l’affection de ses sujets, et lorsque, d’un autre côté, il n’aura point l’appui d’une armée nationale : car toutes les choses dont je viens de parler ajoutent bien de nouvelles forces à celles que l’on possède déjà, mais elles ne peuvent les donner. Tout devient inutile sans des troupes sur lesquelles on puisse compter. Sans elles