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lonie ait des champs communaux où chacun puisse faire paître ses bestiaux, et des bois où il puisse prendre son bois de chauffage. Une colonie ne peut s’établir sans ces deux avantages.



CHAPITRE VIII.


Des causes pour lesquelles les peuples s’éloignent du pays natal pour inonder des contrées étrangères.


Puisque j’ai parlé précédemment de la manière dont les Romains faisaient la guerre, et de celle dont les Gaulois assaillirent les Toscans, je ne crois pas m’écarter de mon sujet en exposant qu’il y a deux espèces de guerres.

L’une est produite par l’ambition des princes et des républiques qui cherchent à propager leur empire : telles furent les guerres d’Alexandre le Grand et des Romains, et celles qui se font de puissance à puissance. Ces guerres sont désastreuses sans doute, mais elles ne vont jamais jusqu’à chasser toute une population d’un pays, parce qu’il suffit au vainqueur d’être assuré de l’obéissance des peuples ; et le plus souvent il les laisse vivre sous leurs propres lois, et toujours il leur conserve leurs propriétés et leurs richesses.

L’autre espèce de guerre est celle où un peuple entier, suivi de toutes les familles, abandonne un pays d’où le chasse la famine ou la guerre, et va chercher une nouvelle demeure et de nouvelles contrées, non pour y donner des lois, comme dans les guerres dont nous venons de parler, mais pour se rendre le maître absolu du pays, après en avoir expulsé ou égorgé les anciens habitants. Rien de plus cruel et de plus épouvantable que cette espèce de guerre à laquelle Salluste fait allusion à la fin de son Histoire de Jugurtha, quand il dit qu’après