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LIVRE SECOND.

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Les hommes, la plupart du temps sans raison, font l’éloge du temps passé et blâment le temps présent. Aveugles partisans de tout ce qui s’est fait autrefois, ils louent non-seulement ces temps dont ils n’ont connaissance que par la mémoire que les historiens nous en ont conservée, mais même ceux que dans la vieillesse ils se souviennent d’avoir vus étant jeunes. Quand ils auraient tort, comme il arrive le plus souvent, je me persuade que plusieurs raisons peuvent les jeter dans cette erreur.

La première, à mon avis, c’est qu’on ne connaît pas toute la vérité sur les événements de l’antiquité, et que le plus souvent on a caché ceux qui auraient pu déshonorer les vieux âges ; tandis qu’on célèbre et qu’on amplifie tout ce qui peut ajouter à leur gloire. Peut-être aussi la plupart des écrivains obéissent tellement à la fortune du vainqueur, que, pour illustrer encore ses victoires, non-seulement ils agrandissent tout ce qu’il a pu faire de glorieux, mais encore qu’ils ajoutent à l’éclat même de ce qu’ont fait les ennemis ; de sorte que tous ceux qui naissent ensuite dans le pays ou des vainqueurs des vaincus doivent nécessairement admirer et ces hommes et ces temps, et sont forcés d’en faire l’objet de leurs louanges et de leur amour.

Il y a plus. C’est par crainte ou par envie que les