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maines fussent défectueuses en cette partie ; car il ne faut pas qu’une république soit organisée de manière à ce qu’un citoyen, pour avoir osé promulguer une loi conforme à un gouvernement libre, soit exposé à en être puni sans pouvoir se défendre.

Mais pour en revenir à l’objet de ce chapitre, je dis que, par la création de cette nouvelle magistrature, on voit que si les États dont les commencements furent libres, et qui, comme Rome, se sont gouvernés eux-mêmes, ont eu tant de peine à trouver des lois propres à maintenir leur liberté, il ne faut pas s’étonner si les villes qui prirent naissance au sein de l’esclavage ont rencontré, je ne dirai pas de la difficulté, mais de l’impossibilité à jamais organiser une constitution qui leur assurât la liberté et la tranquillité. La ville de Florence en est un exemple. Son origine fut dépendante de l’empire romain : accoutumée à vivre sous le gouvernement d’un maître, elle resta longtemps assujettie et sans s’occuper de sa propre existence ; ayant trouvé depuis l’occasion de respirer, elle commença à établir une constitution qui lui fût propre ; mais ces nouvelles institutions, mêlées avec les anciennes, qui ne valaient rien, ne purent pas non plus être bonnes. C’est ainsi que pendant une période de deux cents ans, dont on possède des traditions certaines, elle languit sans avoir eu jamais de gouvernement qui ait pu lui faire donner avec raison le nom de république.

Les difficultés qu’elle a trouvées dans son sein, on les retrouve dans toutes les cités qui ont eu les mêmes commencements ; et quoique bien souvent les libres suffrages du peuple aient confié à un petit nombre de citoyens le pouvoir d’y établir la réforme, cette réforme n’a jamais été organisée pour l’utilité commune, mais elle l’a toujours été à l’avantage d’un parti ; en sorte qu’au lieu de remettre l’ordre dans la cité, on n’a fait qu’accroître le désordre.