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essayé de combattre l’ennemi dans les défilés ou sur les montagnes, mais ont été à sa rencontre au delà, ou, lorsqu’ils n’ont pas voulu agir de la sorte, l’ont attendu en deçà dans les lieux ouverts et d’un facile accès. J’en ai déjà dit le motif. En effet, comme on ne peut employer un grand nombre d’hommes à la défense des lieux sauvages, tant à cause de la difficulté des vivres, que de la gêne du terrain, il est impossible de résister au choc d’un ennemi qui vient vous attaquer avec des forces considérables. Il est facile à l’ennemi de venir en grand nombre, car son dessein est de passer, et non de s’arrêter ; tandis que ceux qui l’attendent ne peuvent déployer des troupes nombreuses ; car ils doivent camper longtemps dans des lieux stériles et resserrés, et ils ignorent l’instant où l’ennemi voudra tenter le passage. Si l’on perd ce défilé, que l’on croyait pouvoir défendre, et dans lequel et le peuple et l’armée avaient mis toute leur confiance, la terreur, ainsi qu’il arrive souvent, s’empare des habitants et du reste de l’armée, et l’on demeure vaincu sans avoir pu faire l’essai de son courage : c’est ainsi que l’on court à sa perte pour n’avoir employé qu’une partie de ses forces.

Chacun sait avec quelles difficultés Annibal parvint à franchir les Alpes qui séparent la Lombardie de la France, et ces montagnes qui s’élèvent entre la Lombardie et la Toscane. Cependant les Romains crurent devoir l’attendre d’abord sur le Tésin, et ensuite dans les plaines d’Arezzo ; et ils préférèrent voir leur armée détruite par l’ennemi dans des lieux où du moins ils pouvaient le vaincre, que de la conduire sur des montagnes où l’âpreté des lieux l’aurait détruite. Celui qui lira l’histoire avec attention verra que peu d’illustres capitaines ont tenté de défendre de semblables passages, et par les motifs que j’ai déjà rapportés, et parce qu’on ne peut les fermer tous. Les montagnes ont, comme toutes les campagnes ouvertes, non-seulement des routes