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geance des ennemis que leurs mœurs exécrables et leur férocité avaient soulevés contre eux. Si l’histoire de ces monstres était bien étudiée, elle servirait d’enseignement aux princes et leur montrerait le chemin de la gloire ou de la honte, de la sécurité ou de la terreur. On y voit en effet que sur les vingt-six empereurs qui régnèrent depuis César jusqu’à Maximin, seize furent assassinés, dix moururent de mort naturelle. Si au nombre de ceux qu’on massacra, on en compte quelques-uns de bons, tels que Galba et Pertinax, ils expirèrent victimes de la corruption que leurs prédécesseurs avaient introduite dans les armées. Si au contraire parmi ceux qui moururent naturellement il se trouve un méchant tel que Sévère, il le dut à un bonheur inouï et à son grand courage, deux circonstances qui se réunissent rarement pour favoriser les humains.

La lecture de cette histoire leur apprendra encore comment on peut fonder un bon gouvernement, car les empereurs qui montèrent sur le trône par droit d’hérédité furent tous méchants, excepté Titus ; tandis que ceux qui régnèrent par adoption furent tous excellents, comme on peut le voir par les cinq empereurs qui se succédèrent de Nerva à Marc-Aurèle. Dès que l’empire redevint héréditaire il se précipita de nouveau vers sa ruine. Qu’un prince ait donc sans cesse devant les yeux les temps qui s’écoulèrent de Nerva à Marc-Aurèle ; qu’il les compare avec ceux qui précédèrent ou qui suivirent ; et qu’il choisisse ensuite ceux dans lesquels il eût désiré naître et régner.

Qu’apercevra-t-il sous le règne des bons empereurs ? un prince en sûreté au milieu de ses paisibles sujets, le monde en paix, gouverné par la justice ; il verra le sénat jouissant de son autorité, les magistrats de leur dignité, et les citoyens opulents de leurs richesses ; la noblesse honorée ainsi que la vertu ; partout le bonheur et la tranquillité. D’un autre côté tout ressentiment, toute