Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sparte, en s’en écartant, n’avait que trop perdu de ses antiques vertus, et par conséquent de sa force et de sa puissance. Dès les premières tentatives, il fut massacré par les éphores, comme aspirant à la tyrannie. Cléomènes, son successeur, se montra animé du même désir. Mais éclairé par les instructions d’Agis et les écrits dans lesquels ce prince avait développé ses idées et l’esprit qui le dirigeait, il vit clairement qu’il ne pourrait faire jouir sa patrie d’un semblable bienfait, s’il ne réunissait dans ses mains toute l’autorité, convaincu que l’ambition des hommes ne permet pas de faire le bien général lorsque l’intérêt du plus petit nombre y met obstacle. Saisissant en conséquence une occasion qui lui parut favorable, il fit massacrer tous les éphores et quiconque aurait pu s’opposer à ses projets ; alors il remit en vigueur les lois de Lycurgue. Cette entreprise, capable de relever la puissance de Sparte, aurait procuré à Cléomènes la même gloire qu’à Lycurgue, si la puissance des Macédoniens et la faiblesse des autres républiques de la Grèce ne l’avaient fait échouer. Mais, aussitôt après cette réforme, il fut attaqué par les Lacédémoniens auxquels il était inférieur en forces : ne sachant à quel appui recourir, il fut vaincu, et son dessein, tout juste et tout louable qu’il était, ne put être accompli.

Après avoir bien pesé toutes ces considérations, je crois pouvoir conclure que pour instituer une république il ne faut qu’un seul homme, et que Romulus, loin de mériter le blâme, doit être absous de la mort de Rémus et de Tatius,



CHAPITRE X.


Autant les fondateurs d’une république ou d’un royaume sont dignes de louanges, autant sont blâmables ceux qui établissent la tyrannie.


Parmi tous les mortels qui ont mérité des louanges, les plus dignes de mémoire sont les chefs ou les fon-