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qu’elle a pu élever sur des fondements aussi faibles la grandeur où nous la voyons aujourd’hui parvenue.

Le second cas, celui d’une ville fondée par des étrangers, a lieu par le fait d’hommes libres, ou d’hommes dépendants d’un autre État. On doit mettre dans cette dernière classe les colonies envoyées par une république ou par un prince, pour débarrasser leurs États du superflu de la population, ou pour maintenir leurs nouvelles conquêtes d’une manière plus sûre et moins dispendieuse. Le peuple romain a fondé un grand nombre de ces villes dans toute l’étendue de son empire.

Il est une autre espèce de villes : ce sont celles bâties par un prince, non dans l’intention d’y fixer sa demeure, mais pour sa seule gloire ; telle fut la ville d’Alexandrie fondée par Alexandre. Comme ces cités n’ont point une origine libre, il est rare que leur puissance acquière une grande extension, et qu’on doive les compter parmi les capitales d’un empire. Florence eut une origine de ce genre ; et soit qu’elle doive sa naissance aux soldats de Sylla, ou aux habitants de Fiesole, qui, séduits par la longue paix qu’Octave donna à l’univers, se réunirent pour habiter la plaine qu’arrose l’Arno, sa fondation fut dépendante de l’empire romain ; aussi ne put-elle, dans les commencements, recevoir d’autres accroissements que ceux qui lui furent concédés par la munificence du prince.

Une ville doit son existence à des hommes libres, lorsqu’un peuple contraint par la contagion, la famine ou la guerre, à délaisser la patrie de ses pères, va de lui-même, ou sous la conduite de ses princes, chercher un nouveau séjour. Ce peuple fixe sa demeure au sein des villes qu’il trouve dans les pays conquis par ses armes, comme fit Moïse ; ou il en édifie de nouvelles, ainsi qu’Énée. C’est dans ce dernier cas que se manifestent la sagesse du fondateur et la fortune de son établissement, plus ou moins merveilleuse, suivant qu’a été plus ou