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vu ni prince, ni république, ni capitaine, ni citoyens s’appuyer de l’exemple de l’antiquité. Je crois en trouver la cause moins encore dans cette faiblesse où les vices de notre éducation actuelle ont plongé le monde, et dans ces maux qu’a faits à tant d’États et de villes chrétiennes une paresse orgueilleuse, que dans l’ignorance du véritable esprit de l’histoire, qui nous empêche en la lisant d’en saisir le sens réel et de nourrir notre esprit de la substance qu’elle renferme. Il en résulte que ceux qui lisent se bornent au plaisir de voir passer sous leurs yeux cette foule d’événements qu’elle dépeint, sans jamais songer à les imiter, jugeant cette imitation non-seulement difficile, mais même impossible ; comme si le ciel, le soleil, les éléments, les hommes n’étaient plus les mêmes qu’autrefois, et que leur cours, leur ordre et leur puissance eussent éprouvé des changements.

Résolu d’arracher les hommes à cette erreur, j’ai cru nécessaire d’écrire, sur chacun des livres de Tite-Live que l’injure du temps a épargnés, tout ce qu’en comparant les événements anciens et les modernes je jugerais propre à en faciliter l’intelligence, afin que ceux qui liraient mes Discours pussent retirer de ces livres l’utilité que l’on doit rechercher dans l’étude de l’histoire. Et quoique cette entreprise soit difficile, j’espère cependant qu’aidé par ceux qui m’ont engagé à me charger de ce fardeau, je parviendrai à le porter assez loin pour qu’il reste bien peu de chemin à faire à celui qui voudrait atteindre le but désigné.



CHAPITRE PREMIER.


Quels ont été, en général, les commencements de la plupart des villes, et en particulier ceux de Rome.


Ceux qui liront ce qu’était Rome à sa naissance, les législateurs qu’elle eut, et l’ordre qu’ils établirent dans