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CHAPITRE XIX.

la crainte qu’ils inspiraient, et voulant en conséquence qu’il fût aussi pourvu à leur sûreté, pensa qu’il était à propos de n’en pas laisser le soin spécialement au roi, pour qu’il n’eût pas à encourir la haine des grands en favorisant le peuple, et celle du peuple en favorisant les grands. C’est pourquoi il trouva bon d’établir la tierce autorité d’un tribunal qui pût, sans aucune fâcheuse conséquence pour le roi, abaisser les grands et protéger les petits. Une telle institution était sans doute ce qu’on pouvait faire de mieux, de plus sage et de plus convenable pour la sûreté du prince et du royaume.

De là aussi on peut tirer une autre remarque : c’est que le prince doit se décharger sur d’autres des parties de l’administration qui peuvent être odieuses, et se réserver exclusivement celles des grâces ; en un mot, je le répète, il doit avoir des égards pour les grands, mais éviter d’être haï par le peuple.

En considérant la vie et la mort de plusieurs empereurs romains, on croira peut-être y voir des exemples contraires à ce que je viens de dire, car on en trouvera quelques-uns qui, s’étant toujours conduits avec sagesse, et ayant montré de grandes qualités, ne laissèrent pas de perdre l’empire, ou même de périr victimes de conjurations formées contre eux.

Pour répondre à cette objection, je vais examiner le caractère et la conduite de quelques-uns de ces empereurs, et faire voir que les causes de leur ruine ne présentent rien qui ne s’accorde avec ce que j’ai établi. Je ferai d’ailleurs quelques réflexions sur ce que les événements de ces temps-là peuvent offrir de remarquable à ceux qui lisent l’histoire. Je me bornerai cependant aux empereurs qui se succédèrent depuis Marc-Aurèle, jusqu’à Maximin, et qui sont : Marc-Aurèle, Commode son fils, Pertinax, Didius Julianus, Septime-Sévère, Antonin-Caracalla, son fils, Macrin, Héliogabale, Alexandre-Sévère et Maximin.