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nouveaux essais sur l’entendement

principes de connaissance, nous ne pourrions que les apercevoir agissant en nous, comme nous sentons l’influence des deux principes qui agissent constamment en nous, savoir, l’envie d’être heureux et la crainte d’être misérables.

Th. Il y a des principes de connaissance qui influent aussi constamment dans nos raisonnements que ceux de pratique dans nos volontés ; par exemple, tout le monde emploie les règles des conséquences par une logique naturelle sans s’en apercevoir.

§ 4. Ph. Les règles de morale ont besoin d’être prouvées ; donc elles ne sont pas innées, comme cette règle, qui est la source des vertus qui regardent la société : ne faites ai autrui que ce que vous voudriez qu’il vous soit fait il vous-mêmes.

Th. Vous me faites toujours l’objlection que j’ai déjà réfutée. Je vous accorde, Monsieur, qu’il y a des règles de morale qui ne sont point des principes innés, mais cela n’empêche pas que ce ne soient des vérités innées, car une vérité dérivative sera innée lorsque nous la pouvons tirer de notre esprit. Mais il y a des vérités innées que nous trouvons en nous de deux façons, par lumière et par instinct. Celles que je viens de marquer se démontrent par nos idées, ce qui fait la lumière naturelle. Mais il y a des conclusions de la lumière naturelle, qui sont des principes par rapport à l’instinct. C’est ainsi que nous sommes portés aux actes d’humanité par instinct, parce que cela nous plait, et par raison parce que cela est juste. Il y a donc en nous des vérités d’instinct, qui sont des principes innés, qu’on sent et qu’on approuve quand même on n’en a point la preuve, qu’on obtient pourtant lorsqu’on rend raison de cet instinct. C’est ainsi qu’on se sert des lois des conséquences suivant une connaissance confuse et comme par instinct, mais les logiciens en démontrent la raison, comme les mathématiciens aussi rendent raison de ce qu’on fait sans y penser en marchant et en sautant. Quant à la règle qui porte : qu’on ne doit faire aux autres que ce qu’on voudrait qu’ils nous lissent, elle a besoin non seulement de preuve, mais encore de déclaration. On voudrait trop, si on en était le maître ; est-ce donc qu’on doit trop aussi aux autres ? On me dira que cela ne s’entend que d’une volonté juste. Mais ainsi cette règle, bien loin de suffire à servir de mesure, en aurait besoin. Le véritable sens de la règle est que la place d’autrui est le vrai point de vue, pour juger équitablement lorsqu’on s’y met.

§ 9. Ph. On commet souvent des actions mauvaises sans aucun re-