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blable, mais que sa sagesse ne lui permet pas de le faire. Comment fait-il cela ? Pourra-t-il prouver qu’il n’est pas possible que Dieu puisse avoir de bonnes raisons pour créer plusieurs parties de matière parfaitement semblables en différents lieux de l’univers ? La seule preuve qu’il allègue est qu’il n’y aurait aucune raison suffisante qui pût déterminer la volonté de Dieu à mettre une de ces parties de matière dans une situation plutôt que dans une autre. Mais si Dieu peut avoir plusieurs bonnes raisons (on ne saurait prouver le contraire), si Dieu, dis-je, peut avoir plusieurs bonnes raisons pour créer plusieurs parties de matière tout a fait semblables, l’indifférence de leur situation suffira-t-elle pour en rendre la création impossible, ou contraire à sa sagesse ? Il me semble que c’est formellement supposer ce qui est en question. On n’a point répondu à un autre argument de la même nature, que j’ai fondé sur l’indifférence absolue de la première détermination particulière du mouvement au commencement du monde.

26-32. Il semble qu’il y ait ici plusieurs contradictions. On reconnait que deux choses tout à fait semblables seraient véritablement deux choses ; et nonobstant cet aveu, on continue de dire qu’elles n’auraient pas le principe d’individuation ; et dans le quatrième écrit, § 6, on assure positivement qu’elles ne seraient qu’une même chose sous deux noms. Quoique l’on reconnaisse que ma supposition est possible, on ne veut pas me permettre de faire cette supposition. On avoue que les parties du temps et de l’espace sont parfaitement semblables en elles-mêmes ; mais on nie cette ressemblance lorsqu’il y a des corps dans ces parties. On compare les différentes parties de l’espace qui coexistent, et les différentes parties successives du temps, à une ligne droite, qui coupe une autre ligne droite en deux points coïncidents, qui ne sont qu’un seul point. On soutient que l’espace n’est que l’ordre des choses qui coexistent ; et cependant on avoue que le monde matériel peut être borné ; d’où il s’ensuit qu’il faut nécessairement qu’il y ait un espace vide au delà du monde. On reconnaît que Dieu pouvait donner des bornes à l’univers ; et, après avoir fait cet aveu, on ne laisse pas de dire que cette supposition est non seulement déraisonnable et sans but, mais encore une fiction impossible ; et l’on assure qu’il n’y a aucune raison possible qui puisse limiter la quantité de la matière. On soutient que le mouvement de l’univers tout entier ne produirait aucun changement ; et cependant on ne répond pas il ce que j’avais dit, qu’une augmenta-