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expérimentale, qui procède a posteriori ; quand même il ne serait point d’ailleurs justifié par la pure raison ou a priori.

130. Me nier ce grand principe, c’est faire encore d’ailleurs comme Épicure, réduit à nier cet autre grand principe, qui est celui de la contradiction ; savoir que toute énonciation intelligible doit être vraie ou fausse. Chirisippe s’amusait à le prouver contre Épicure ; mais je ne crois pas avoir besoin de l’imiter, quoique j’aie déjà dit ci-dessus ce qui peut justifier le mien, et quoique je puisse dire encore quelque chose là-dessus, mais qui serait peut-être trop profond pour convenir à cette présente contestation. Et je crois que des personnes raisonnables et impartiales m’accorderont que d’avoir réduit son adversaire à nier ce principe, c’est l’avoir mené ad absurdum.


Cinquième réplique de M. Clarke.

Comme un discours diffus n’est pas une marque d’un esprit clair, ni un moyen propre à donner des idées claires aux lecteurs, je tacherai de répondre à ce cinquième écrit d’une manière distincte, et en aussi peu de mots qu’il me sera, possible.

1-20. Il n’y a aucune ressemblance entre une balance mise en mouvement par des poids ou par une impulsion, et un esprit qui se ment, ou qui agit, par la considération de certains motifs. Voici en quoi consiste la différence. La balance est entièrement passive, et par conséquent sujette une nécessité absolue : au lieu que l’esprit non seulement reçoit une impression, mais encore agit, ce qui fait l’essence de la liberté. Supposer que lorsque différentes manières d’agir paraissent également bonnes, elles ôtent entièrement à l’esprit le pouvoir d’agir, comme les poids égaux empêchent nécessairement une balance de se mouvoir, c’est nier qu’un esprit ait en lui-même un principe d’action, et confondre le pouvoir d’agir avec l’impression que les motifs font sur l’esprit, en quoi il est tout à fait passif. Le motif, ou la chose que l’esprit considère, et qu’il a en vue, est quelque chose d’externe. L’impression, que ce motif fait sur l’esprit est la qualité perceptive dans laquelle l’esprit est passif. Faire quelque chose après, ou en vertu de cette perception, est la faculté de se mouvoir de soi-même ou d’agir. Dans tous les agents animés, c’est la spontanéité ; et dans les agents intelligents, c’est proprement ce que nous appelons liberté. L’erreur où l’on tombe sur cette matière vient de ce qu’on ne distingue pas soigneusement ces deux