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on le prétend ici. Car tout agent qui agit suivant les causes finales est libre, quoiqu’il arrive qu’il s’accorde avec celui qui n’agit que par des causes efficientes sans connaissance ou par machine ; parce que Dieu, prévoyant ce que la cause libre ferait, a réglé d’abord sa machine en sorte qu’elle ne puisse manquer de s’y accorder. M.  Jaquelot a fort bien résolu cette difficulté dans un de ses livres contre M.  Bayle ; et j’en ai cité le passage dans la Théodicée, part. 1, § 63. J’en parlerai encore plus bas, no 124.

Sur le § 33.

93 Je n’admets point que toute action donne une nouvelle force à ce qui pâtit. Il arrive souvent dans le concours des corps que chacun garde sa force ; comme lorsque deux corps durs égaux concourent directement. Alors la seule direction est changée, sans qu’il y ait du changement dans la force ; chacun des corps prenant la direction de l’autre, et retournant avec la même vitesse qu’il avait déjà eue.

94. Cependant je n’ai garde de dire qu’il soit surnaturel de donner une nouvelle force à un corps ; car je reconnais qu’un corps reçoit souvent une nouvelle force d’un autre corps, qui en perd autant de la sienne. Mais je dis seulement qu’il est surnaturel que tout l’univers des corps reçoive une nouvelle force ; et ainsi qu’un corps gagne de la force, sans que d’autres en perdent autant. C’est pourquoi je dis aussi qu’il est insoutenable que l’âme donne de la force au corps ; car alors tout l’univers des corps recevrait une nouvelle force.

95. Le dilemme qu’on fait ici est mal fondé, parce que, selon moi, il faut on que l’homme agisse surnaturellement, ou que l’homme soit une pure machine comme une montre. Car l’homme n’agit point surnaturellement, et son corps est véritablement une machine, et n’agit que machinalement ; mais son âme ne laisse pas d’être une cause libre.

Sur les §§ 34 et 35.

96. Je me remets aussi à ce qui a été ou sera dit dans ce présent écrit nos 82, 86 et 111, touchant la comparaison entre Dieu et l’âme du monde ; et comment le sentiment qu’on oppose au mien fait trop approcher l’un à l’autre.