Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

due de la matière n’aurait point de bornes, il ne s’ensuit point que sa durée n’en ait pas non plus, pas même en arrière, c’est-à-dire qu’elle n’ait point eu de commencement. Si la nature des choses, dans le total est de croître uniformément en perfection, l’univers des créatures doit avoir commencé ; ainsi il y aura des raisons pour limiter la durée des choses, quand même il n’y en aurait point pour en limiter l’étendue. De plus, recommencement du monde ne déroge point à l’infinité de la durée a parte post, ou dans la suite ; mais les bornes de l’univers dérogeraient à l’infinité de son étendue. Ainsi il est plus raisonnable d’en poser un commencement que d’en admettre des bornes ; afin de conserver dans l’un et dans l’autre le caractère d’un auteur infini.

75. Cependant ceux qui ont admis l’éternité du monde, ou du moins, comme ont fait des théologiens célèbres, la possibilité de l’éternité du monde, n’ont point nié pour cela sa dépendance de Dieu, comme on le leur impute ici sans fondement.

Sur les §§ 22 et 23.

76. On m’objecte encore ici, sans fondement, que, selon moi, tout ce que Dieu peut faire, doit être fait nécessairement. Comme si l’on ignorait que j’ai réfuté cela solidement dans la Théodicée, et que j’ai renversé l’opinion de ceux qui soutiennent qu’il n’y a rien de possible que ce qui arrive effectivement ; comme ont fait déjà quelques anciens philosophes, et entre autres Diodore chez Cicéron. On confond la nécessité morale, qui vient du choix du meilleur, avec la nécessité absolue ; on confond la volonté avec la puissance de Dieu. Il peut produire tout possible ou ce qui n’implique point de contradiction : mais il veut produire le meilleur entre les possibles. Voyez ce que j’ai dit ci-dessus, no 9 et no 74.

77. Dieu n’est donc point un agent nécessaire en produisant les créatures, puisqu’il agit par choix. Cependant ce qu’on ajoute ici est mal fondé, qu’un agent nécessaire ne serait point un agent. On prononce souvent hardiment et sans fondement, en avançant contre moi des thèses qu’on ne saurait prouver.

Sur les §§ 24-28.

78. On s’excuse de n’avoir point dit que l’espace est le sensorium de Dieu, mais seulement comme son sensorium. Il semble que l’un est aussi peu convenable et aussi peu intelligible que l’autre.