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suffisante ; au lieu que la nécessité absolue et métaphysique dépend de l’autre grand principe de nos raisonnements, qui est celui des essences ; c’est-à-dire celui de l’identité ou de la contradiction ; car ce qui est absolument nécessaire est seul possible entre les partis, et sans contradiction.

11. J’ai fait voir aussi que notre volonté ne suit pas toujours précisément l’entendement pratique, parce qu’elle peut avoir ou trouver des raisons pour suspendre sa résolution jusqu’à une discussion ultérieure.

12. M’imputer après cela une nécessite absolue, sans avoir rien à dire contre les considérations que je viens d’apporter, et qui vont jusqu’au fond des choses, peut-être au delà de ce qui se voit ailleurs, ce sera une obstination déraisonnable.

13. Pour ce qui est de la fatalité, qu’on m’impute aussi, c’est encore une équivoque. Il y a fatum mahometanum, fatum stoicum, fatum christianum’. Le destin à la turque veut que les effets arriveraient quand on en éviterait la cause, comme s’il y avait une nécessité absolue. Le destin stoïcien veut qu’on soit tranquille ; parce qu’il faut avoir patience par force, puisqu’on ne saurait regimber contre la suite des choses. Mais on convient qu’il y a fatum christianum, une destinée certaine de toutes choses, réglée parla prescience et par la providence de Dieu. Fatum est dérivé de fari ; c’est-à-dire prononcer, décerner ; et dans le bon sens, il signifie le décret de la providence. Et ceux qui s’y soumettent par la connaissance des perfections divines, dont l’amour de Dieu est une suite (puisqu’il consiste dans le plaisir que donne cette connaissance), ne prennent pas seulement patience comme les philosophes païens, mais ils sont même contents de ce que Dieu ordonne, sachant qu’il fait tout pour le mieux ; et non seulement pour le plus grand bien en général, mais encore pour le plus grand bien particulier de ceux qui l’aiment.

14. J’ai été obligé de m’étendre, pour détruire une bonne fois les imputations mal fondées, comme j’espère de pouvoir le faire par ces explications dans l’esprit des personnes équitables. Maintenant je viendrai à une objection qu’on me fait ici contre la comparaison des poids d’une balance avec les motifs de la volonté. On objecte que la balance est purement passive, est poussée par les poids ; au lieu que les agents intelligents et doués de volonté sont actifs. À cela je réponds que le principe du besoin d’une raison suffisante est commun