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Cinquième réplique de M. Leibniz, ou réponse à la quatrième réplique de M. Clarke[1], sur les §§ 1 et 2 de l’écrit précédent.

1. Je répondrai cette fois plus amplement pour éclaircir les difficultés, et pour essayer si l’on est d’humeur à se payer de raison, et à donner des marques de l’amour de la vérité, ou si l’on ne fera que chicaner sans rien éclaircir.

2. On s’efforce souvent de n’imputer la nécessité et la fatalité, quoique peut-être personne n’ait mieux expliqué, et plus à fond que j’ai fait dans la Théodicée, la véritable différence entre liberté, contingence, spontanéité, d’un côté, et nécessité absolue, hasard, coaction, de l’autre. Je ne sais pas encore si on le fait parce qu’on le veut, quoi que je puisse dire, ou si ces imputations viennent de bonne foi, de ce qu’on n’a point encore pesé mes sentiments. J’expérimenterai bientôt ce que j’en dois juger, et je me réglerai là-dessus.

3. Il est vrai que les raisons font dans l’esprit du sage, et les motifs dans quelque esprit que ce soit, ce qui répond à l’effet que les poids font dans une balance. On objecte que cette notion mène à la nécessité et à la fatalité. Mais on le dit sans le prouver et sans prendre connaissance des explications que j’ai données autrefois pour lever toutes les difficultés qu’on peut faire la-dessus.

4. Il semble aussi qu’on se joue d’équivoque. Il y a des nécessités qu’il faut admettre. Car il faut distinguer aussi entre une nécessité absolue et une nécessité hypothétique. Il faut distinguer aussi entre une nécessité qui a lieu, parce que l’opposé implique contradiction, et laquelle est appelée logique, métaphysique ou mathématique ; et entre une nécessité qui est morale, qui fait que le Sage choisit le meilleur, et que tout esprit suit l’inclination la plus grande.

5. La nécessité hypothétique est celle que la supposition ou hypothèse de la prévision de Dieu impose aux futurs contingents. Et il faut l’admettre, si ce n’est qu’avec les sociniens on refuse à Dieu

  1. Dans l’édition de Londres de ce cinquième écrit, il y a à la marge plusieurs additions et corrections que M. Leibniz y avait faites en l’envoyant à M. Des Maiseaux. M. Clarke en rendit compte dans un petit avertissement mis à la tête de cet écrit, et conçu en ces termes : « Les différentes leçons, imprimée à la marge de l’écrit suivant, sont des changements faits de la propre main de M. Leibniz dans une autre copie de cet écrit, laquelle il envoya à un de ses amis en Angleterre peu de temps avant sa mort. Mais dans cette édition on a inséré ces additions et corrections dans le texte, et par là on a rendu ce cinquième écrit conforme au manuscrit original, que M. Leibniz avait envoyé à M. Des Maiseaux. » Note de l’éditeur français (Des Maiseaux).