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d’elles-mêmes dans le monde ne connaissent pas bien les principales lois de la nature et la beauté des ouvrages de Dieu.

39. Comment prouveront-ils que ce défaut est une suite de la dépendance des choses ?

40. Ce défaut de nos machines, qui fait qu’elles ont besoin d’être redressées, vient de cela même, qu’elles ne sont pas assez dépendantes de l’ouvrier. Ainsi la dépendance de Dieu qui est dans la nature, bien loin d’être cause de ce défaut, est plutôt cause que ce défaut n’y est point ; parce qu’elle est si dépendante d’un ouvrier trop parfait, pour faire un ouvrage qui ait besoin d’être redressé. Il est vrai que chaque machine particulière de la nature est en quelque façon sujette à être détraquée, mais non pas l’univers tout entier, qui ne saurait diminuer en perfection.

41. On dit que l’espace ne dépend point de la situation des corps. Je réponds qu’il est vrai qu’il ne dépend point d’une telle situation des corps, mais il est cet ordre qui fait que les corps sont situables, et par lequel ils ont une situation entre eux en existant ensemble, connue le temps est cet ordre par rapport à leur position successive. Mais s’il n’y avait point de créatures, l’espace et le temps ne seraient que dans les idées de Dieu.

42. Il semble qu’on avoue ici que l’idée qu’on se fait du miracle n’est pas celle qu’en ont communément les théologiens et les philosophes. Il me suffit donc que mes adversaires sont obligés de recourir à ce qu’on appelle miracle dans l’usage reçu.

43. J’ai peur qu’en voulant changer le sens reçu du miracle on ne tombe dans un sentiment incommode. La nature du miracle ne consiste nullement dans l’usualité et l’inusualité ; autrement les monstres seraient des miracles.

44. Il y a des miracles d’une sorte inférieure, qu’un ange peut produire ; car il peut, par exemple, faire qu’un homme aille sur l’eau sans enfoncer. Mais il y a des miracles réservés à Dieu, et qui surpassent toutes les forces naturelles ; tel est celui de créer ou d’annihiler.

45. Il est surnaturel aussi que les corps s’attirent de loin, sans aucun moyen ; et qu’un corps aille en rond, sans s’écarter par la tangente, quoique rien ne l’empêchât de s’écarter ainsi. Car ces effets ne sont point explicables par la nature des choses.

46. Pourquoi la notion des animaux ne serait-elle point explicable par les forces naturelles ? Il est vrai que le commencement des ani-