Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/776

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’aurait pourtant pas été créé plus tôt. De plus, l’espace et le temps sont des quantités ; ce qu’on ne peut dire de la situation et de l’ordre.

5. On prétend ici que, parce que l’espace est uniforme ou parfaitement semblable, et qu’aucune de ses parties ne diffère de l’autre, il s’ensuit que, si les corps qui ont été créés dans un certain lieu avaient été créés dans un autre lieu (supposé qu’ils conservassent la même situation entre eux), ils ne laisseraient pas d’avoir été créés dans le même lieu. Mais c’est une contradiction manifeste. Il est vrai que l’uniformité de l’espace prouve que Dieu n’a pu avoir aucune raison externe pour créer les choses dans un lieu plutôt que dans un’autre ; mais cela empêche-t-il que sa volonté n’ait été une raison suffisante pour agir en quelque lieu que ce soit, puisque tous les lieux sont indifférents ou semblables, et qu’il y a une bonne raison pour agir en quelque lieu ?

6. Le même raisonnement, dont je me suis servi dans la section précédente, doit avoir lieu ici.

7 et 8. Lorsqu’il y a quelque différence dans la nature des choses, la considération de cette différence détermine toujours un agent intelligent et très sage. Mais lorsque deux manières d’agir sont également bonnes, comme dans les cas dont on a parlé ci-dessus, dire que Dieu ne saurait agir du tout, et que ce n’est point une imperfection de ne pouvoir agir dans un tel cas, parce que Dieu ne peut avoir aucune raison externe pour agir d’une certaine manière plutôt que d’une autre ; dire une telle chose, c’est insinuer que Dieu n’a pas en lui-même un principe d’action, et qu’il est toujours, pour ainsi dire, machinalement déterminé par les choses de dehors.

9. Je suppose que la quantité déterminée de matière, qui est a présent dans le monde, est la plus convenable à l’état présent des choses, et qu’une plus grande (aussi bien qu’une plus petite) quantité de matière aurait été moins convenable à l’état présent du monde, et que par conséquent elle n’aurait pas été un plus grand objet de la bonté de Dieu.

10. Il ne s’agit pas de savoir ce que Goelenius entend par le mot de Sensorium, mais en quel sens M.  le chevalier Newton s’est servi de ce mot dans son livre. Si Goelenius croit que ]’œil, l’oreille ou quelque autre organe des sens est le Sensorium, il se trompe. Mais quand un auteur emploie un terme d’art, et qu’il déclare en quel sens il s’en sert, à quoi bon rechercher de quelle manière d’autres