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nouveaux essais sur l’entendement

que ce système découvre, passent tout ce qu’on a conçu jusqu’ici). Vous savez que j’étais allé un peu trop loin ailleurs et que je commençais à pencher du côté des spinozistes, qui ne laissent qu’une puissance infinie à Dieu, sans reconnaître ni perfection, ni sagesse à son égard, et, méprisant la recherche des causes finales, dérivent tout d’une nécessité brute. Mais ces nouvelles lumières m’en ont guéri ; et depuis ce temps-la je prends le nom de Théophile. J’ai lu le livre de ce célèbre Anglais, dont vous venez de parler. Je l’estime beaucoup, et j’y ai trouvé de belles choses ; mais il me semble qu’il faut aller plus avant et même s’écarter de ses sentiments, lorsqu’il en a pris, qui nous bornent plus qu’il ne faut, et ravalent un peu non seulement la condition de l’homme, mais encore celle de l’univers.

Ph. Vous m’étonnez en effet avec toutes les merveilles dont vous me faites un récit un peu trop avantageux pour que je les puisse croire facilement. Cependant je veux espérer qu’il y aura quelque chose de solide parmi tant de nouveautés dont ; vous me voulez régaler. En ce cas, vous me trouverez fort docile. Vous savez que c’était toujours mon humeur de me rendre à la raison et que je prenais quelquefois le nom de Philalète. C’est pourquoi nous nous servirons maintenant, s’il vous plaît, de ces deux noms, qui ont tant de rapport. Il y a moyen de venir à l’épreuve, car, puisque vous avez lu le livre du célèbre Anglais, qui me donne tant de satisfaction, et qu’il traite une bonne partie des matières dont vous venez de parler et surtout l’analyse de nos idées et connaissances, ce sera le plus court d’en suivre le fil et de voir ce que vous aurez à remarquer.

Th. J’approuve votre proposition. Voici le livre.

§ 1. Ph. Je l’ai si bien lu que j’en ai retenu jusqu’aux expressions que j’aurai soin de suivre. Ainsi je n’aurai point besoin de recourir au livre qu’en quelques rencontres Où nous le jugerons nécessaire.

Nous parlerons premièrement de l’origine des idées ou notions (livre I) puis des différentes sortes d’idées (livre II) et des mots qui servent à les exprimer (livre III), enfin des connaissances et vérités qui en résultent (livre IV), et c’est cette dernière partie qui nous occupera le plus. Quant à l’origine des idées, je crois avec cet auteur et quantité d’habiles gens qu’il n’y en a point d’innées, non plus que de principes innés. Et pour réfuter l’erreur de ceux qui en admettent, il suffit de montrer, : comme il paraîtra dans la suite, qu’on