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comme les expériences de M. Leewenhœck ont fait connaître, et qui ne trouvent pas étrange que la matière soit remplie partout de substances animées, ne trouveront pas étrange non plus qu’il y ait quelque chose d’animé dans les cendres mêmes et que le feu peut transformer un animal et le réduire en petit, au lieu de le détruire entièrement. Ce qu’on peut dire d’une chenille ou ver à soie se peut dire de cent ou de mille ; mais il ne s’ensuit pas que nous devrions voir renaître des vers à soie des cendres. Ce n’est peut-être pas l’ordre de la nature. Je sais que plusieurs assurent que les vertus séminales restent tellement dans les cendres, que les plantes en peuvent renaître, mais je ne veux pas me servir d’expériences douteuses. Si ces petits corps organisés enveloppes par une manière de contraction d’un plus grand qui vient d’être corrompu sont tout à fait (ce semble) hors de la ligne de la génération, ou s’ils peuvent revenir sur le théâtre en leur temps, c’est ce que je ne saurais déterminer. Ce sont la des secrets de la nature, où les hommes doivent reconnaître leur ignorance.

6. Ce et n’est qu’en apparence et suivant l’imagination que la difficulté est plus grande à l’égard des animaux plus grands qu’on voit ne naître que de l’alliance de deux sexes, ce qui apparemment n’est pas moins véritable des moindres insectes. J’ai appris depuis quelque temps que M. Leewenhœck a des sentiments assez approchants des miens, en ce qu’il soutient que même les plus grands animaux naissent par une manière de transformation ; je n’ose ni approuver ni rejeter le détail de son opinion, mais je la tiens très véritable en général, et M. Swammerdam, autre grand observateur et anatomiste, témoigne assez qu’il y avait aussi du penchant, Or les jugements de ces messieurs-là valent ceux de bien d’autres en ces matières. Il est vrai que je ne remarque pas qu’ils aient poussé leur opinion jusqu’à dire que la corruption et la mort elle-même est aussi une transformation à l’égard des vivants destitués d’âme raisonnable, comme je le tiens, mais je crois que, s’ils s’étaient avisés de ce sentiment, ils ne l’auraient pas trouvé absurde, et il n’est rien de si naturel que de croire que ce qui ne commence point ne périt pas non plus. Et quand on reconnaît que toutes les générations ne sont que des augmentations et développements d’un animal déjà formé, on se persuadera aisément que la corruption ou la mort n’est autre chose que la diminution et enveloppement d’un animal qui ne laisse pas de subsister, et demeurer vivant et organisé. Il est vrai qu’il