Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/630

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sible, bien qu’elle serait le principe de la divisibilité ou de ce qui en revient à la substance. Mais je ne veux pas disputer de l’usage des termes.

3. Vous objectez que je n’admets point de formes substantielles que dans le corps animé (ce que je ne me souviens pourtant pas d’avoir dit) ; or, tous les corps organisés étant plura entia, par conséquent les formes ou âmes, bien loin d’en faire un être, demandent plutôt plusieurs êtres afin que les corps puissent être animés. Je réponds que, supposant qu’il y a une âme ou entéléchie dans les bêtes ou autres substances corporelles, il en faut raisonner en ce point, comme nous raisonnons tous de l’homme, qui est un être doué d’une véritable unité que son âme lui donne, nonobstant que la masse de son corps est divisée en organes, vases, humeurs, esprits ; et que les parties sont pleines sans doute d’une infinité d’autres substances corporelles douées de leurs propres entéléchies. Comme cette troisième objection convient en substance avec la précédente, cette solution y servira aussi.

4. Vous jugez que c’est sans fondement qu’on donne une âme aux bêtes, et vous croyez que, s’il y en avait, elle serait un esprit, c’est-à-dire une substance qui pense, puisque nous ne connaissons que les corps et les esprits, et n’avons aucune idée d’une autre substance. Or de dire qu’une huître pense, qu’un ver pense, c’est ce qu’on a peine à croire. Cette objection regarde également tous ceux qui ne sont pas cartésiens ; mais, outre qu’il faut croire que ce n’est pas tout à fait sans raison que tout le genre humain a toujours donné dans l’opinion qu’il a du sentiment des bêtes, je crois d’avoir fait voir que toute substance est indivisible, et que par conséquent toute substance corporelle doit avoir une âme ou au moins une entéléchie qui ait de l’analogie avec l’âme, puisque autrement les corps ne seraient que des phénomènes.

D’assurer que toute substance qui n’est pas divisible (c’est-à-dire selon moi toute substance en général) est un esprit et doit penser, cela me parait sans comparaison plus hardi et plus destitué de fondement que la conservation des formes. Nous ne connaissons que cinq sens et un certain nombre de métaux, en doit-on conclure qu’il n’y en a point d’autres dans le monde ? Il y a bien plus d’apparence que la nature qui aime la variété a produit d’autres formes que celles qui pensent. Si je puis prouver qu’il n’y a pas d’autres figures du second degré que les sections coniques, c’est parce que j’ai une