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niez ainsi : les corps doivent être de vraies substances. Or ils ne peuvent être de vraies Substances qu’ils n’aient une vraie unité, ni avoir une vraie unité qu’ils n’aient une forme substantielle : donc l’essence du corps ne peut pas être l’étendue, mais tout corps, outre l’étendue, doit avoir une forme substantielle. À quoi j’avais opposé qu’une forme substantielle divisible, comme elles le sont presque toutes au jugement des partisans des formes substantielles, ne saurait donner a un corps l’unité qu’il n’aurait pas sans cette forme substantielle.

Vous en demeurez d’accord, mais vous prétendez que toute forme substantielle est indivisible, indestructible et ingénérable, ne pouvant être produite que par une vraie création.

D’où il s’ensuit : 1° que tout corps qui peut être divisé, chaque partie demeurant de même nature que le tout, comme les métaux, les pierres, le bois, l’air, l’eau, et les autres corps liquides, n’ont point de forme substantielle.

2° Que les plantes n’en ont point aussi, puisque la partie d’un arbre, ou étant mise en terre, ou greffée sur un autre, demeure arbre de même espèce qu’il était auparavant.

3° Qu’il n’y aura donc que les animaux qui auront des formes substantielles. Il n’y aura donc selon vous que les animaux qui seront de vraies substances.

4° Et encore vous n’en êtes pas si assuré que vous ne disiez, que si les brutes n’ont point d’âme ou de forme substantielle, il s’ensuit que, hormis l’homme, il n’aurait rien de substantiel dans le monde visible, parce que vous prétendez que l’unité substantielle demande un être accompli indivisible, et naturellement indestructible, ce qu’on ne saurait trouver que dans une âme ou forme substantielle à l’exemple de ce qu’on appelle moi.

Tout cela aboutit à dire que tous les corps dont les parties ne sont que machinalement unies ne sont point des substances, mais seulement des machines ou agrégés de plusieurs substances.

Je commencerai par ce dernier, et je vous dirai franchement qu’il n’y a en cela qu’une dispute de mots. Car saint Augustin ne fait pas de difficulté de reconnaître que les corps n’ont point de vraie unité, parce que l’unité doit être indivisible, et que nul corps n’est indivisible, qu’il n’y a donc de vraie unité que dans les esprits, non plus que de vrai moi. Mais que concluez-vous de la ? « Qu’il n’y a rien de substantiel dans les corps, qui n’ont point d’âme ou de forme