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ques corps où ils sont engagés ; par exemple, je puis démontrer la manière de la génération de l’ardoise.

Outre cela, j’ai amassé sous main des mémoires et des titres concernant l’histoire de Brunsvick, et dernièrement je lus un diplôme De finibus dioceseos Hildensemensis Henrici II, imperaloris, cognomento Sancti, où j’ai été surpris de remarquer ces paroles : pro conjugis prolisque regalis incolumitate ; ce qui me paraît assez contraire à l’opinion vulgaire, qui nous fait aceroire qu’il a gardé la virginité avec sa femme, sainte Cunégonde.

Au reste je me suis diverti souvent à des pensées abstraites de métaphysique ou de géométrie. J’ai découvert une nouvelle méthode des tangentes, que j’ai fait imprimer dans le journal de Leipzig. Vous savez, Monsieur, que MM.  Hulde et depuis Slusius ont porté la chose assez loin. Mais il manquait deux choses : l’une que, lorsque l’inconnue ou l’indéterminée est embarrassée dans des fractions et irrationnelles, il faut l’en tirer pour user de leurs méthodes, ce qui fait monter le calcul à une hauteur ou prolixité tout à fait incommode et souvent intractable ; au lieu que ma méthode ne se met point en peine des fractions, ni irrationnelles. C’est pourquoi les Anglais en ont fait grand cas. L’autre défaut de la méthode des tangentes est qu’elle ne va pas aux lignes que M.  Descartes appelle mécaniques, et que j’appelle transcendantes ; au lieu que ma méthode y procède tout de même, et je puis donner par le calcul la tangente de la cycloïde ou telle autre ligne. Je prétends aussi généralement de donner le moyen de réduire ces lignes au calcul, et je tiens qu’il faut les recevoir dans la géométrie, quoi qu’en dise M.  Descartes. Ma raison est qu’il y a des questions analytiques, qui ne sont d’aucun degré, ou bien dont le degré même est demandé ; par exemple, de couper l’angle en raison incommensurable de droite à droite. Ce problème n’est ni plan, ni solide, ni sursolide. C’est pourtant un problème, et je l’appelle transcendant pour cela. Tel est aussi ce problème : résoudre une telle équation : , où l’inconnue même entre dans l’exposant, et le degré même de l’équation est demandé. Il est aisé de trouver ici que cet signifie 3. Car ou fait . Mais il n’est pas toujours si aisé de le résoudre, surtout quand l’exposant n’est pas un nombre rationnel ; et il faut recourir à des lignes ou lieux propres à cela, qu’il faut par conséquence recevoir nécessairement dans la géométrie. Or je fais voir que les lignes que Descartes veut exclure de la géométrie dépen-