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Je crois, Monsieur, d’avoir maintenant satisfait aux difficultés qui touchent la proposition principale, mais, comme vous faites encore quelques remarques de conséquence sur quelques expressions incidentes dont je m’étais servi, je tâcherai de m’expliquer encore là-dessus. J’avais dit que la supposition de laquelle tous les événements humains se peuvent déduire n’est pas celle de créer un Adam vague, mais celle de créer un tel Adam déterminé à toutes ces circonstances, choisi parmi une infinité d’Adams possibles. Sur quoi vous faites deux remarques considérables, l’une contre la pluralité des Adams, et l’autre contre la réalité des substances simplement possibles. Quant au premier point, vous dites avec grande raison qu’il est aussi peu de concevoir plusieurs Adams possibles, prenant Adam pour une nature singulière, que de concevoir plusieurs moi. J’en demeure d’accord, mais aussi, en parlant de plusieurs Adams, je ne prenais pas Adam pour un individu déterminé, mais pour quelque personne conçue sub ratione generalitatis sous des circonstances qui nous paraissent déterminer Adam à un individu, mais qui véritablement ne le déterminent pas assez, comme lorsqu’on entend par Adam le premier homme que Dieu met dans un jardin de plaisir dont il sort par le péché, et de la côte de qui Dieu tire une femme. Mais tout cela ne détermine pas assez, et il y aurait ainsi plusieurs Adams disjonctivement possibles ou plusieurs individus à qui tout cela conviendrait. Cela est vrai, quelque nombre fini de prédicats incapables de déterminer tout le reste qu’on prenne, mais ce qui doit déterminer un certain Adam doit enfermer absolument tous ses prédicats, et c’est cette notion complète qui détermine rationem generalitatis ad individuum. Au reste, je suis si éloigné de la pluralité d’un même individu, que je suis même très persuadé de ce que saint Thomas avait déjà enseigné à l’égard des intelligences et que je tiens être général, savoir, qu’il n’est pas possible qu’il y ait deux individus entièrement semblables on différents solo numero.

Quant à la réalité des substances purement possibles, c’est-à-dire que Dieu ne créera jamais, vous dites, Monsieur, d’être fort porté à croire que ce sont des chimères, à quoi je ne m’oppose pas, si vous l’entendez, comme je crois, qu’ils n’ont point d’autre réalité que celle qu’ils ont dans l’entendement divin et dans la puissance active de Dieu. Cependant, vous voyez par là, Monsieur, qu’on est obligé de recourir à la science et puissance divine pour les bien expliquer. Je trouve aussi fort solide ce que vous dites ensuite : « qu’on ne