Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/564

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Adam et les événements humains est intrinsèque, mais elle n’est pas nécessaire indépendamment des décrets libres de Dieu, parce que les décrets libres de Dieu, pris comme possibles, entrent dans la notion de l’Adam possible, ces mêmes décrets devenus actuels étant cause d’Adam actuel. Je demeure d’accord avec vous, contre les Cartésiens, que les possibles sont possibles avant tous les décrets de Dieu actuels, mais non sans supposer quelquefois les mêmes décrets pris comme possibles. Car les possibilités des individuels ou des vérités contingente enferment dans leur notion la possibilité de leurs causes, savoir des décrets libres de Dieu, en quoi elles sont différentes des possibilités des espèces ou vérités éternelles, qui dépendent du seul entendement de Dieu, sans en supposer la volonté, comme je l’ai déjà expliqué ci-dessus.

Cela pourrait suffire, mais, afin de me faire mieux entendre, j’ajouterai que je conçois qu’il y avait une infinité de manières possibles de créer le monde selon les différents desseins que Dieu pouvait former, et que chaque monde possible dépend de quelques desseins principaux ou fins de Dieu, qui lui sont propres, c’est-à-dire de quelques décrets libres primitifs (conçus sub ratione possibilitatis) ou lois de l’ordre général de cet univers possible, auquel elles conviennent, et dont elles déterminent la notion, aussi bien que les notions de toutes les substances individuelles qui doivent entrer dans ce même univers. Tout étant dans l’ordre lustraux miracles, quoique ceux-ci soient contraires à quelques maximes subalternes ou lois de la nature. Ainsi tous les événements humains ne pouvaient manquer d’arriver comme ils sont arrivés effectivement, supposé le choix d’Adam fait ; mais non pas tant à cause de la notion individuelle d’Adam, quoique cette notion les enferme, mais à cause des desseins de Dieu, qui entrent aussi dans cette notion individuelle d’Adam, et qui déterminent celle de tout cet univers, et ensuite tant celle d’Adam que celles de toutes les autres substances individuelles de cet univers, chaque substance individuelle exprimant tout l’univers, dont elle est partie selon un certain rapport, par la connexion qu’il y a de toutes choses à cause de la liaison des résolutions ou desseins de Dieu.

Je trouve que vous faites encore une autre objection, Monsieur, qui n’est pas prise des conséquences contraires en apparence à la liberté, comme l’objection que je viens de résoudre, mais qui est prise de la chose même et de l’idée que nous avons d’une substance