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Vous demeurez d’accord, Monsieur, dans votre réplique[1] de cette liaison des résolutions divines, que j’avais mise en avant, et vous avez même la sincérité d’avouer que vous aviez pris d’abord ma proposition tout autrement[2], « parce qu’on n’a pas accoutumé par exemple (ce sont vos paroles) de considérer la notion spécifique d’une sphère par rapport à ce qu’elle est représentée dans l’entendement divin, mais par rapport à ce qu’elle est en elle-même » ; et que vous aviez cru, « ce que j’avoue n’avait pas été sans raison, qu’il en était encore ainsi à l’égard de la notion individuelle de chaque personne ».

Pour moi, j’avais cru que les notions pleines et compréhensives sont représentées dans l’entendenient divin, comme elles sont en elles-mêmes[3]. Mais maintenant que vous savez que c’est là ma pensée, cela vous suffit pour vous y conformer et pour examiner si elle lève la difficulté. Il semble donc que vous reconnaissez, Monsieur, que mon sentiment expliqué de cette manière, des notions pleines et compréhensives, telles qu’elles sont dans l’entendement divin, n’est pas seulement innocent, mais même qu’il est certain ; car voici vos paroles : « Je demeure d’accord que la connaissance que Dieu a eue d’Adam lorsqu’il a résolu de le créer, a enfermé celle de tout ce qui lui est arrivé, et de tout ce qui est arrivé et doit arriver à sa postérité, et ainsi, prenant en ce sens la notion individuelle d’Adam, ce que vous en dites est très certain. » Nous allons voir tantôt en quoi consiste la difficulté que vous y trouvez encore. Cependant je dirai un mot de la raison de la différence qu’il y a en ceci entre les notions des espèces et celles des substances individuelles, plutôt par rapport à la volonté divine que par rapport au simple entendement. C’est que les notions spécifiques les plus abstraites ne comprennent que des vérités nécessaires ou éternelles, qui ne dépendent point des décrets de Dieu (quoi qu’en disent les Cartésiens, dont il semble que vous-même ne vous êtes pas soucié en ce point) ; mais les notions des substances individuelles, qui sont complètes et capables de distinguer entièrement leur sujet, et qui enveloppent par conséquent les vérités contingentes ou de fait, et les circonstances individuelles du temps, du lieu, et autres, doivent aussi envelopper dans leur notion, prise comme possible, les décrets libres de Dieu, pris aussi

  1. Cette réplique s’est égarée.
  2. Dans un tout autre sens.
  3. Note à la marge du manuscrit : « Notio plana comprehendit omnia attribua rei v. g. caloris ; completa omnia predicata subjecti v. g. hujus calidi in substantivis individualibus coincidunt. »