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eu tort de me servir de termes si durs, non contre sa personne, mais contre son sentiment. Ainsi, j’ai cru que j’étais obligé de lui en demander pardon, et je l’ai fait très sincèrement par la lettre que je lui écris et que j’envoie ouverte à V. A. C’est aussi tout de bon que je la prie de faire ma paix, et de me réconcilier avec un ancien ami, dont je serais très fâché d’avoir fait un ennemi par mon imprudence ; mais je serai bien aise que cela en demeure là et que je ne sois plus obligé de lui dire ce que je pense de ses sentiments, car je suis si accablé de tant d’autres occupations, que j’aurais de la peine à le satisfaire ces matières abstraites demandent beaucoup d’application et ne se pouvant pas faire que cela ne me prît beaucoup de temps. »

Je ne sais si je n’ai oublié de vous envoyer une addition à l’apologie pour les catholiques ; j’en ai peur, à cause que V. A. ne m’en parle point : c’est pourquoi je lui en envoie aujourd’hui avec deux factums. L’évêque de Namur, que l’internonce a nommé pour juge, a de la peine à se résoudre à accepter cette commission, tant les Jésuites se font craindre ; mais si leur puissance est si grande qu’on ne puisse obtenir contre eux de justice en ce monde, ils ont sujet d’appréhender que Dieu ne les punisse en l’autre avec d’autant plus de rigueur. C’est une terrible histoire et bien considérable que celle de ce chanoine, dont les débauches apparemment seraient impunies, s’il ne s’était rendu odieux par ses fourberies et par ses cabales. Ce ministre luthérien dont V. A. parle doit avoir des bonnes qualités ; mais c’est une chose incompréhensible, et qui marque une prévention bien aveugle, qu’il puisse regarder Luther comme un homme destiné de Dieu pour la réformation de la religion chrétienne. Il faut qu’il ait une idée bien basse de la véritable piété, pour en trouver dans un homme fait comme celui-là, impudent dans ses discours et si goinfre dans sa vie. Je ne suis pas surpris de ce que ce ministre vous a dit contre ceux qu’on appelle Jansénistes, Luther ayant d’abord avancé des propositions outrées contre la coopération de la grâce et contre le libre arbitre, jusques à donner pour titre il un de ses livres : De servo arbitrio. Mélanchton, quelque temps après, les mitige beaucoup, et les Luthériens depuis sont passés dans l’extrémité opposée, de sorte que les Arminiens n’avaient rien de plus fort à opposer aux Gomaristes que les sentiments de l’Église luthérienne. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que les Luthériens d’aujourd’hui, qui sont dans les mêmes senti-