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en me servant de termes trop durs pour marquer ce que je pensais d’un de vos sentiments. Mais je vous proteste devant Dieu que la faute que j’ai pu faire en cela n’a point été par aucune prévention contre vous, n’ayant jamais eu sujet d’avoir de vous qu’une opinion très avantageuse hors la religion, dans laquelle vous vous êtes trouvé engagé par votre naissance ; ni que, je me sois trouvé de mauvaise humeur quand j’ai écrit la lettre qui vous a blessé, rien n’étant plus éloigné de mon caractère que le chagrin qu’il plaît il quelques personnes de m’attribuer ; ni que, par un trop grand attachement il mes propres pensées, j’ai été choqué de voir que vous en aviez de contraires, vous pouvant assurer que j’ai si peu inédite sur ces sortes de matières, que je puis dire que je n’ai point sur cela de sentiment arrêté. Je vous supplie, Monsieur, de ne croire rien de moi de tout cela ; mais d’être persuadé que ce qui a pu être cause de mon indiscrétion est uniquement, qu’étant accoutume à écrire sans façon à Son Altesse, parce qu’elle est si bonne qu’elle excuse aisément toutes mes fautes, je m’étais imaginé que je lui pouvais dire franchement ce que je n’avais pu approuver dans quelqu’une de vos pensées, parce que j’étais bien assuré que cela ne courrait pas le monde, et que si j’avais mal pris votre sens, vous pourriez me détromper sans que cela allât plus loin. Mais j’espère, Monsieur, que le même prince voudra bien s’employer pour faire ma paix, me pouvant servir pour l’y engager de ce que dit autrefois saint Augustin en pareille rencontre. Il avait écrit fort durement contre ceux qui croient qu’on peut voir Dieu des yeux du corps, ce qui était le sentiment d’un évêque d’Afrique, qui ayant vu cette lettre qui ne lui était point adressée s’en trouva fort offensé. Cela obligea ce saint d’employer un ami commun pour apaiser ce prélat, et je vous supplie de regarder, comme si je disais au prince, pour vous être dit, ce que saint Augustin écrit à cet ami pour être dit à cet évêque : « Dum essem in admonendo sollicitus, in corripiendo nimius atque improvidus fui. Hoc non defendo, sed reprehendo : hoc non excuso, sed accuso. Ignoscatur, peto : recordetur nostram dilectionem pristinam, et obliviscatur offensionem novam. Faciat certè, quod me non fecisse succensuit : habeat lenitatem in danda venia, quam non habui in illa epistola conscribenda. »

J’ai douté si je n’en devais point demeurer là sans entrer de nouveau dans l’examen de la question qui a été l’occasion de notre brouillerie, de peur qu’il ne m’échappât encore quelque mot qui pût