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de la vie d’un homme qui y était intéressé. Et suppose qu’il s’y agisse de quelque beau précepte de morale, de quelque stratagème de guerre, de quelque invention utile pour les arts, qui servent à la commodité de la vie ou à la santé des hommes ; cette même histoire sera rapporté utilement à la science ou art qu’elle regarde, et même on en pourra faire mention en deux endroits de cette science, savoir dans l’histoire de la discipline pour raconter son accroissement effectif, et aussi dans les préceptes, pour les confirmer ou éclaircir par les exemples. Par exemple, ce qu’on raconte bien à propos dans la vie du cardinal Ximénès, qu’une femme moresque le guérit par des frictions seulement d’une hectique presque désespérée, mérite encore lieu dans un système de médecine tant au chapitre de la fièvre hectique, que lorsqu’il s’agit d’une diète médicinale en y comprenant les exercices ; et cette observation servira encore a mieux découvrir les causes de cette maladie. Mais on en pourrait parler encore dans la logique médicinale, où il s’agit de l’art de trouver les remèdes, et dans l’histoire de la médecine, pour faire voir comment les remèdes sont venus à la connaissance des hommes, et que c’est bien souvent par le secours de simples empiriques et même des charlatans. Beverovicius[1], dans un joli livre de la médecine ancienne, tire tout entier des auteurs non médecins, aurait rendu son ouvrage encore plus beau, s’il fût passé jusqu’aux auteurs modernes. On voit par là qu’une : même vérité peut avoir beaucoup de places selon les différents rapports qu’elle peut avoir. Et ceux qui rangent une bibliothèque ne savent bien souvent où placer quelques livres, étant suspendus entre deux ou trois endroits également convenables. Mais ne parlons maintenant que des doctrines générales, et mettons à part les faits singuliers, l’histoire et les langues. Je trouve deux dispositions principales de toutes les vérités doctrinales, dont chacune aurait son mérite, et qu’il serait bon de joindre. L’une Serait synthétique et théorique, rangeant les vérités selon l’ordre des preuves, comme font les mathématiciens, de sorte que chaque proposition viendrait après celles dont elle dépend. L’autre disposition serait analytique et pratique, commençant par le but des hommes, c’est-à-dire par les biens, dont le

  1. Beverovicius ou Beverick (Jean Van), médecin, ne à Dordrecht en 1594, mort en 1647, on cite de lui une réfutation des objections de Montaigne contre la médecine, sous ce titre : Montanas elenchomenos (Dordrecht, 1639, in-12o ; un autre (De Excellentià feminei sexùs, ibid., 1636, in-12o). Ses œuvres complètes en flamand ont été publiées à Amsterdam en 1656.P. J.