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fait voir qu’il n’a aucun égard sincère pour la religion, il lui suffit d’avoir la main et la langue prêtes à soutenir l’opinion commune, pour se rendre recommandable à ceux qui lui peuvent procurer de 1”appui.

Th. Cette justice, que vous rendez au genre humain, ne tourne point à sa louange ; et les hommes seraient plus excusables de suivre sincèrement leurs opinions que de les contrefaire par intérêt. Peut-être pourtant qu’il y a plus de sincérité dans leur fait, que vous ne semblez donner à entendre ; car, sans aucune connaissance de cause, ils peuvent être parvenus à une foi implicite en se soumettant généralement et quelquefois aveuglément, mais souvent de bonne foi, au jugement des autres, dont ils ont une fois reconnu l’autorité. Il est vrai que l’intérêt qu’ils trouvent contribue à cette soumission, mais cela n’empêche point qu’enfin l’opinion ne se forme. On se contente dans l’Église romaine de cette foi implicite à peu près, n’y ayant peut-être point (l’article, dû à la révélation, qui y soit jugé absolument fondamental et qui y passe pour nécessaire, necessitate medii, c’est-à-dire dont la créance soit une condition absolument nécessaire au salut. Et ils le sont tous nécessitate præcepti, par la nécessité qu’on y enseigne d’obéir à l’Église, comme on l’appelle, et de donner toute l’attention due à ce qui est proposé, le tout sous peine de péché mortel. Mais cette nécessité n’exige qu’une docilité raisonnable et n’oblige point absolument à l’assentiment, suivant les plus savants docteurs de cette Église. Le cardinal Bellarmin même crut cependant que rien n’était meilleur que cette foi d’enfant, qui se soumet à une autorité établie, et il raconte avec approbation l’adresse d’un moribond, qui éluda le diable par ce cercle, qu’on lui entend répéter souvent :

« Je crois tout ce que croit l’Église,
L’Église croit ce que je crois. »

Chap. XXI. — De la division des sciences..

§ 1. Ph. Nous voilà au bout de notre course et toutes les opérations de l’entendement sont éclaircies. Notre dessein n’est pas d’entrer dans le détail même de nos connaissances. Cependant ici il sera peut-être à propos, avant que de finir, d’en faire une revue générale